Je le pressentais dès son lancement, les faits le confirment, deux ans (et 1 million d'adeptes) plus tard : Yolt est devenue une arme de conquête redoutable pour sa génitrice, ING. Un article de la revue American Banker apporte un éclairage complémentaire sur la vision de la banque, par la voix de Benoît Legrand, son responsable de l'innovation.
Plus encore que le nombre d'utilisateurs, un révélateur du succès de l'application mobile transparaît dans un chiffre fourni par l'autorité britannique de l'« open banking » : elle représente presque deux tiers de tous les accès aux données de comptes bancaires par des entreprises tierces dans le pays. Voilà une preuve objective de l'intérêt que suscite auprès du grand public la stratégie de Yolt de proposer une solution de pilotage actif et intelligent des finances personnelles, sans produits en propre.
Ce qui fait la valeur de la plate-forme ne tient évidemment pas à sa capacité à agréger les comptes et en faciliter le suivi mais bien son positionnement de compagnon du quotidien, qui veille en permanence sur le budget, apporte ses recommandations personnalisées et les enrichit, dès que possible, de solutions opérationnelles et faciles à activer (par exemple un changement de fournisseur d'électricité). Elle signe en quelque sorte le retour du conseil qui fait aujourd'hui cruellement défaut dans la banque.
En débarquant au Royaume-Uni, où ING n'avait alors pas de présence sur le marché des particuliers, Yolt faisait le pari de créer un autre modèle de banque que celui qui prévaut jusqu'à maintenant. Son introduction, plus récente, en France et en Italie répond à la même ambition avec une spécificité : ses établissements existants sur place pourraient se voir menacer de cannibalisation. Mais, après tout, si l'avenir du secteur est en jeu, les innovateurs savent que c'est le genre de dilemme qu'ils doivent trancher.
Cependant, en attendant la disruption ultime, l'approche de Yolt sert un objectif intermédiaire, fort utile aussi à court terme : la captation de nouveaux clients. Benoît Legrand rappelle en effet que, même quand les taux de satisfaction sont au plus bas, même avec les lois sur la mobilité des comptes, les consommateurs restent réticents à changer de banque principale, parce qu'ils craignent les désagréments des virements automatiques mal transférés, les frais qui s'accumulent et bien d'autres incidents.
Un outil qui se branche « au-dessus » des services existants apporte une réponse idéale à de telles inquiétudes : il n'est désormais plus nécessaire de prendre le risque de déplacer son compte courant – qui se transforme, de ce fait, en une commodité sans enjeu – pour profiter d'un véritable accompagnement de proximité (bien que « digital »), d'options plus avantageuses (pour l'épargne, notamment)… tout en continuant à bénéficier d'une intégration transparente de l'ensemble de sa situation financière.
L'initiative d'ING est de celles qu'on attend plutôt d'une startup que d'une institution historique et, à ce titre, elle dispose d'un avantage considérable sur ses concurrentes : la confiance qui lui est accordée plus naturellement qu'à un acteur sorti de nulle part. Il est toutefois dommage qu'elle écorne, à tout le moins en apparence, ce privilège en basant son modèle économique sur les rétributions des partenaires qu'elle recommande à ses clients, qui induiront toujours un soupçon sur l'objectivité de ses conseils…