[Critique] Le Chant du Loup

Par Wolvy128 @Wolvy128

Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique. Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable.

A l’heure où le cinéma français se complaît dans les comédies potaches sans saveur, Le Chant du Loup apparaît comme un véritable miracle cinématographique. D’abord car, de par son extraordinaire ambition, il tranche nettement avec les sorties françaises actuelles, mais aussi parce qu’il s’approprie avec brio un genre particulièrement casse-gueule : le film de sous-marin. Un miracle d’autant plus remarquable qu’il s’agit pourtant du tout premier long-métrage de son réalisateur, Antonin Baudry. D’une maîtrise folle, le film séduit notamment par son atmosphère oppressante. Formidablement lancé par un prologue d’une intensité folle, aussi tétanisant qu’irrespirable, il réussit l’exploit d’installer une tension de tous les instants. Que ce soit lors des séquences en immersion ou sur la terre ferme, le récit ne souffre effectivement d’aucun temps mort. De quoi nous laisser complètement scotchés à notre siège lors de l’apparition du générique final. Il faut dire qu’à l’instar de l’introduction, le dénouement propose un moment de cinéma absolument fabuleux. Le genre de moment auquel le cinéma français ne nous a pas souvent habitué, et qu’il faut définitivement saluer tant la réussite est prodigieuse.

Si le film se distingue à ce point de la concurrence, c’est aussi parce qu’il fait montre d’une belle ambition formelle. Techniquement superbe, il impressionne principalement par son travail sonore incroyable, le son constituant du début à la fin un fantastique vecteur de tension. Mais là n’est pas sa seule qualité puisqu’il participe également à l’explosion d’émotions sincères. En plaçant sans cesse l’humain au centre des préoccupations, le réalisateur (et scénariste) s’assure en effet de conserver un récit poignant, sans pour autant altérer la tension. A ce titre, il peut d’ailleurs s’appuyer sur un casting au diapason. Acteur montant de sa génération, François Civil incarne le héros avec une authenticité désarmante. C’est peu de dire qu’il n’a pas besoin de beaucoup de scènes pour susciter l’empathie. A ses côtés, Reda Kateb et Omar Sy ne manquent assurément pas de charisme, mais c’est néanmoins ici surtout Mathieu Kassovitz qui surprend par son intensité. Côté scénario, si l’histoire se veut résolument simple, et se laisse par conséquent parfois aller à quelques facilités, elle s’inscrit toutefois dans une réalité passionnante de par sa dimension géopolitique prégnante. Enfin, la mise en scène n’est pas en reste non plus, retranscrivant notamment de belle façon l’exiguïté des lieux.

Avec Le Chant du Loup, Antonin Baudry signe donc un premier long-métrage effrayant de réalisme. D’une virtuosité incroyable, le film livre un spectacle absolument haletant, utilisant brillamment le son comme outil de tension et d’émotion. Un thriller dramatique immersif et suffocant, où chaque décision porte le poids du contexte géopolitique (dissuasion nucléaire). Impressionnant coup d’essai !