La Scène Thélème – Yoshitaka Takayanagi

Par Gourmets&co

Un immense chef…

On l’avait connu bien sûr à l’Agapée sous la houlette du découvreur de pépites dans tous les domaines, j’ai nommé : Laurent Lapaire. Des comme lui sur la place de Paris, y’en a pas deux (oui, je sais…).
Cet ovni japonais, Yoshitaka Takayanagi, après ses débuts au Japon, arrive en France, à Lyon avec Nicolas Le Bec dans une aventure qui tourne court, un passage au Grand Véfour, puis la rencontre avec Yannick Alléno au Meurice, puis chez Ledoyen, enfin à l’Agapé où il travaille une cuisine lumineuse. Après une expérience courte et pas très heureuse au restaurant Neige d’été, il vient de prendre il y a quelques semaines les cuisines de La Scène Thélème.
Un restaurant un peu étrange, mêlant sans grande conviction le théâtre et la cuisine à ses débuts mais se tournant maintenant de plus en plus vers la qualité de la table. Pour cela, le choix du chef japonais est parfait. Il a donné dès son arrivée un éclat à cette adresse qui ronronnait depuis un moment et surtout arrive à faire oublier par la beauté de ses assiettes, une salle d’une froideur coupable et de tons grisouillants distillant une légère tristesse.

Heureusement la cuisine est brillante ! On sent tout de suite, presque dès les amuses-bouches remarquables, comme cette magnifique Straciatella, crumble aux olives noires et glace asperges vertes, que le chef est à son aise, qu’il a repris les couleurs, les tons et les saveurs qu’il aime… et nous aussi.
La suite sera une succession de petites merveilles, de grands plats, et d’alliances éblouissantes. Le chef sait comme personne (ou presque) sortir les saveurs des excellents produits qu’il travaille avec ce sens inné de les conserver tout en les sublimant.

Ainsi, d’une truite façon gravlax, œufs de truite, cèleri et pomme golden (association soudain évidente), purée de cèleri, condiments citron, poudre de citron noir, fleurs de tagette. Ce don aussi avec des fleurs en pointillé mais toujours signifiant et pas seulement décoratif.

On les retrouve (tagette et sauge) avec des Calamars sautés à l’huile d’olive, baignant dans un consommé de calamars et fenouil, oignons, poireau, mouillé au fumet de crustacé d’une extrême finesse, avec quelques tagliatelles d’asperges blanches assaisonnées à l’huile d’ail et un léger râpé de raifort. Un plat typique du chef, alliant avec maestria la puissance des goûts et la finesse des textures. Un superbe plat.

La terre et la mer demeurent à travers les décennies, l’obsession des cuisiniers. Comment marier la carpe et le lapin ? Comment associer l’iode et l’humus ? Yoshitaka Takayanagi s’y risque avec talent. Un beau Homard de Boulogne-sur-Mer, blanchi puis laqué à la sauce homardine, flanqué d’un ris de veau de Corrèze fariné et frit, un sabayon ciboulette, laitue romaine et citron caviar, oignon, huile de ciboulette, vert divers, et avocat guacamole. Du monde, une beauté parfaite, et un festival de saveurs en harmonie presque dissonante. Modern art in La Scène Thélème !

On connait ce plat du chef qui le suit, qu’il peaufine, qu’il varie au fil de ses inspirations mais qui demeure une réussite étonnante. Rouget cuit en écailles (et quelle cuisson !), pomme de terre Monalisa safranée, oignon cuit et émincé cru, mayonnaise au piment fumé, écume de homardine, et condiment de moules au paprika et safran.

Le chef aime le pigeon. Il le possède à la perfection. Il les fait venir de Mont Royale dans le Tarn. Là encore, une cuisson de maitre. Il l’accompagne d’asperges vertes sautées à l’ail des ours (un excellent accompagnement du pigeon selon lui), les boutons en pickles, poudre de thé noir fumé en condiment, et herbes sauvages. La cuisse est braisée et bien braisée puis laquée au jus de cuisson, le suprême rôti, jus de pigeon au whisky tourbé (une merveille de jus !). Un plat parfaitement maitrisé, et simplement magnifique.

Pour les desserts, il travaille depuis peu avec Akira, japonais et acolyte parfait si l’on en juge par le sublimissime pré-dessert. Une base de pamplemousse frais et un autre confit, granité verveine, amande caramélisée, crème passion, et syphon pamplemousse, Ricard. Une merveille d’équilibre entre le sucré et l’acidité.
Suivent une Pavlova aux fruits rouges (fraises des bois, fraise, groseille, framboise), crumble nature et meringue, de bonne facture ; et un Moelleux au chocolat, banane fraiche, glace banane, mousse café, qui rappelle un peu trop des desserts du Drugstore des années soixantes, époque « J’aime les filles ».
Belle carte des vins et choix de vins au verre, service agréable sous la direction de la chef de salle Diane Blanch.

Voila le travail, comme disent les bons artisans et les professionnels fiers de leurs efforts. On ne peut qu’approuver tant la perfection, ou au moins le talent, est évident dans chaque assiette. Fidèles à ses origines mais sans en faire une carte d’identité, le chef parsème, suivant les jours et en fonction des produits qu’il travaille, quelques touches subtiles de parfums et de condiments japonais. Là encore et toujours un équilibre parfait.
Un grand chef….

18, rue Troyon
75017 Paris
Tél : 01 77 37 60 99
www.lascenetheleme.fr
M° : Etoile
Voiturier
Fermé dimanche et lundi

Menu Carte Blanche : 65 € (3 services) – 79 € (4 services) – 95 € (6 services)
Menu Déjeuner : 39 € (3 services) – 55 € (4 services)