Dans ce contexte, Imagine le Monde est un exemple à suivre : la méthode fonctionne et les enfants acquièrent connaissances et assurance. Les salles de classe, la cour de récréation et les locaux dans leur ensemble respirent l’amour et la bienveillance… Sans doute ce dont ces enfants ont le plus besoin. Bien entendu, comme le précise Smith Botti, cela ne suffit pas et les bénévoles de l’association travaillent main dans la main avec les familles pour que les parents apprennent eux aussi le langage des signes et puissent ainsi communiquer avec leurs enfants. "J’encourage beaucoup les parents et je leur ai remis à tous un manuel pour s’entraîner. Malheureusement, un grand nombre d’entre eux ne l’utilisent pas. Parfois même, ils me le ramènent en disant que c’est compliqué et qu’ils sont trop âgés pour apprendre". Malgré tout, ces parents tiennent à procurer une éducation à leur progéniture. Cette méthode sert donc à communiquer entre malentendants, à lire et à écrire. Même si savoir écrire ne suffit pas à communiquer, lorsqu’on a des parents qui eux, n’ont pas appris… La seconde limite découle du contexte local qui induit autant de langues des signes que de dialectes parlés en Côte d’Ivoire (plus d’une cinquantaine). Les "signes villageois", comme on les appelle, diffèrent en fonction de la région où l’on apprend à signer et ce fait est déterminant pour comprendre que l’émancipation d’un malentendant se fera prioritairement dans sa région d’apprentissage. Peu importe ces freins, Imagine le Monde prouve que l’on peut convertir la différence en richesse et en opportunités. L’association a donné sa chance à Martin Adjoumani, jeune homme devenu malentendant à l’âge de 12 ans. Aujourd’hui âgé de 30 ans et diplômé d’un Master en informatique option génie logiciel, il a intégré l’équipe récemment et est fier et honoré de participer à sa bonne marche. Il rappelle d’ailleurs que : "il faut être indulgent envers les malentendants. Crier est inutile. Il faut juste parler lentement car nous lisons sur les lèvres". L’ONG compte une trentaine d’accueillants, bénévoles ou salariés. Ensemble, ils organisent les apprentissages afin que se rencontrent autistes, trisomiques et malentendants. Dans le centre, mais aussi lors de sorties pédagogiques au zoo ou au parc d’attractions et au cours d’activités sportives ; également envisagées comme moyen d’accès à l’éducation. Le gouvernement ivoirien a mis en place un programme d’inclusion des sourds et malentendants dans le système éducatif (plus de 100 000 personnes concernées, selon le recensement de 2014). En plus d’une école spécialisée pour les sourds il a établi un partenariat avec l’ONG Society Without Barriers Côte d’Ivoire. Ensemble, ils mènent le Projet Education Inclusive, aujourd’hui fonctionnel dans quatre communes d’Abidjan et neuf à l’intérieur du pays.
Ces initiatives, si elles ont le mérite d’exister, demeurent insuffisantes au regard des défis que constitue le nombre d’enfants atteint et les méthodes d’enseignement requises. D’autres structures, telles que Imagine le Monde, viennent alors compléter les possibilités d’accueil de ce public. Un nouveau recensement des sourds et malentendants est prévu pour l’année 2019. En cette soirée du dimanche 16 juin, les premiers 2.000 jeunes de 16 ans arriveront dans leurs casernes pour participer au Service national universel. Chose dite, chose faite pour le président Macron qui pense peut-être en réalisant cette promesse...