L'algérienne : disons qu'à chacune, sa part de rancune. Je t'en veux parce que tu as essayé de me soumettre ; tu m'en veux parce que je t'ai empêché de me soumettre
La française : je me suis toujours demandée si tu étais vraiment dure ou si tu jouais les dures
L'algérienne : le plus dur a été toujours pour moi de ne pas savoir faire semblant... la poussière n'est pas sous mais sur le tapis : all in !
La française : et pourtant tu es un être double, pourquoi alors tu fais comme si tu l'ignorais... l'arabe en toi déteste la berbère et la berbère proteste contre l'arabe.
L'algérienne : tu veux dire que ce que j'ai d'algérien ne tient à rien ? Peut être bien. Mais figure toi que ce rien c'est plus que tout , c'est mon seul et unique bien... d'être, de me reconnaître avec ce rien d'algérien qui transcende ce que je peux avoir en moi de mesquin.... et si j'étais deux comme tu dis, apprends que la petitesse de l'une est compensée par la grandeur de l'autre.
La française : C'est toute la question, laquelle est petite, laquelle est grande ? L'arabe ou la berbère ?
L'algérienne : c'est bien français de tout réduire au mal qu'on a tout fait pour introduire... la petitesse est dans l'âme de celle qui divise, la grandeur dans celle qui pérennise.
La française : moi j'ironise et toi tu islamises, c'est de bonne guerre.
L'algérienne : non, je temporise. Nuance... Madame la Marquise ! Je rappelle juste que toute notre existence ne tient que grâce à cette nuance et au sens des nuances.
La française : un esprit aussi subtil, peut-il alors m'expliquer pourquoi il y a toujours péril en la demeure d'Algérie ? Vous êtes passé du colonialisme à l'islamisme pour finir avec l'opportunisme. J'ai presque envie de te demander : non pas quand vas tu t'en sortir mais si tu as vraiment envie de t'en sortir ?
L'algérienne : là tu fais semblant d'être intelligente mais je n'arrive pas à faire semblant de te croire... je vais te répondre tout de même pour ne pas te décevoir.
La française : tu me l'as déjà dit, la plus belle à voir est celle qui sait recevoir.
L'algérienne : je reprends et je réponds : l'Algérie profonde est sortie dans la rue pour dire qu'elle sait désormais comment s'en sortir : non pas en réclamant un changement de régime mais un changement de mentalité... car on ne peut s'en sortir sans faire les choses autrement... parce que la politique est comme le cancer qui voit les cellules malignes finir toujours par prendre le dessus
La française : c'est osé !
L'algérienne : et je ne désespère pas d'assister un jour à une véritable révolution algérienne, celle des devoirs et non des droits.
La française : mais vous faites partie d'un monde arabo-musulman qui est hélas en retard de plusieurs guerres et qui ne voit guère que le terrorisme proliférer sur ses terres.
L'algérienne : tu sais quoi, le terrorisme n'est pas né, ni destiné à lutter contre l'hégémonie de l'Occident... il est d'abord tourné contre nos régimes autoritaires et totalitaires qui font de la corruption le seul mode de gouvernement. Ça vise l'intérieur et accessoirement l'extérieur.
La française : tu annonces l'été parce que le printemps arabe a échoué ?
L'algérienne : une hirondelle, deux hirondelles, trois hirondelles ne font pas le printemps... c'est le printemps qui fait les hirondelles.
La française : l'image est belle mais je ne saisis pas...
L'algérienne : je veux dire que pour moi, il n'y a pas une saison qui prime, ni trois que je supprime, il y a seulement celle qui me donnera raison et qui verra des gens vivre leur vie avec un mobile ou un motif transcendant.
La française : la démocratie, quoi !
L'algérienne : non... l'Algérie.
La française : laquelle ? Celle qui voit ses enfants frapper à la porte de France ?
L'algérienne : ils commettent la même erreur que vous autres français, de rêver d'une France algérienne.
L’article De l’Algérienne à la Française est apparu en premier sur Le journal de Personne.