When They See Us c’est un peu la saison 4 de American Crime que l’on n’aura jamais eu sur ABC. Cette fois-ci c’est Netflix qui nous propose cette histoire vraie, en quatre épisodes particulièrement prenants et surtout terrifiants sur ce racisme ambiant aux Etats-Unis dans les années 80. Pourquoi est-ce terrifiant ? Car c’est toujours d’actualité. Si la mini-série est aussi solide c’est aussi car chaque épisode nous donne l’impression que le prochain ne pourra jamais être pire mais achever le tout sur des scènes en prison, particulièrement fortes, est là aussi signe qu’au fond, Ava DuVernay (Selma, Queen Sugar) avait dans son esprit l’envie de surprendre par la force de cette histoire, celle d’une injustice. La force de ce récit est assez étonnante et parfois on pourrait se dire que tout cela n’est pas réel et pourtant… Il faut dire que toute la mini-série est savamment construite autour de ces cinq jeunes acteurs remarquables dans des rôles particulièrement difficiles. Les interrogatoires notamment sont des scènes interminables mais éprouvantes dans le bon sens du terme pour montrer la façon dont ces policiers ont construits un dossier avec rien du tout si ce n’est de l’intimidation policière conduisant ces jeunes garçons à dire quelque chose que la police leur a mis dans la tête car leur seule envie à ce moment là était de rentrer chez eux.
L'histoire vraie de cinq adolescents de couleur accusés de viol alors qu'ils étaient en réalité innocents.
La seule chose que je pourrais probablement redire sur When They See Us, c’est son point de vue. En effet, la mini série privilégie souvent les scènes intimistes et les émotions plutôt que de devenir un vrai brûlot social et politique avec une analyse du système judiciaire américain qui créé des injustices. J’aurais donc par moment préféré une analyse plus fine sur la justice américaine et les implications politiques et sociales de ce récit plutôt que l’intime. Mais l’intime fonctionne, il fonctionne même très bien. Ava DuVernay parvient même à insuffler assez souvent dans sa mise en scène dans son écriture des éléments qui permettent d’être touchés par la force du récit qui se suffit à lui-même. Il n’y a pas de fioritures inutiles, tout ce que l’on voit à l’écran est fait de façon à ce que l’on partage la vie de ces personnages et que l’on ressente leur profond malaise face à la situation. Il y a d’ailleurs un personnage édifiant, celui de Felicity Huffman, qui à la fin dit qu’elle ne regrette pas l’injustice de l’affaire dans le sens où pour elle ces enfants méritaient d’être en prison. Ce constat est fait dans nos années et prouve qu’au fond le racisme sur le sol américain fait toujours rage, même des années après les évolutions sociales qu’il peut y avoir.
When They See Us ressemble souvent à un film de 5h où chaque épisode raconte un chapitre, une période de la vie de ces personnages autour de cette affaire. Les scènes de procès sont elles aussi assez fascinantes et éprouvantes, montrant à quel point la justice s’est acharnées sur ces enfants qui au final étaient de pauvres innocents et comment la prison a aussi changé ces garçons. Ava DuVernay connait très bien le registre documentaire qu’elle met au service de sa mini série. La mise en scène est alors sobre et âpre, laissant assez souvent l’impression que ce que l’on voit à l’écran ce sont des images d’archives. Elle insuffle également tout cela dans son écriture, où les dialogues sont travaillés de manière à ce que la fiction ne soit pas présente et que tout l’aspect documenté de la mini série ressorte. Rien n’est édulcoré et même si j’ai déjà connu le fait divers pour ses récentes répercussions (l’Etat de New York a dû donné 41 millions de dollars de dommages et intérêts à ces garçons, le plus gros dédommagement de l’histoire de cet Etat), je dois avouer que j’ai été happé par la façon dont When They See Us monte crescendo, aidé par l’intimisme qu’elle créée autour des personnages auxquels on s’attache facilement.
When They See Us est clairement le genre de mini série dont il est difficile de ressortir indemne, où les 5h proche du docu-fiction passent à une vitesse détonnante sans jamais nous ennuyer. Cela permet aussi de donner une voix supplémentaire aux Central Park Five à qui la justice américaine a volé la vie suite à une injustice.
Note : 10/10. En bref, brillant et édifiant.