Au commencement était Fontaines. Et derrière ce curieux nom français hommage au personnage de Johnny Fontane (Le Parrain), un drôle de quintette qui ne recèlait pas moins de deux Conor. Pas de doute, cette nouvelle coqueluche du rock indé anglophone était forcément irlandaise. Après deux singles d'after punk brut de décoffrage ("Liberty Belle" et "Hurricane laughter"), les cinq membres de Fontaines originaires de Dublin allaient accoler l'acronyme de leur ville à leur nom : Fontaines D.C. était né.
Deux singles plus tard ( "Boys in the better land" et "Too real"), le buzz a fait son effet et Fontaines D.C. bien que signé chez l'indé Partisan Records, est devenu l'un des combos les plus dragués et diffusés d'outre-Manche.
Ce qui séduit d'emblée chez ces jeunes garçons qui ont tous à peine plus de 20 ans, c'est l'esprit gang, la cohésion totale entre ses membres. Dont il sera très ardu de définir un quelconque leader, même si le très charismatique Grian Chatten chanteur de la bande au jeu de scène si particulier, s'en détache. On imagine bien en effet ces cinq là unis comme les doigts de la main se soucier peu des droits d'auteur qui leur reviennent nommément et tels des Stranglers, tout signer à l'ancienne dans un bel esprit communautaire.
2019 voit donc la sortie de leur premier tant attendu long format qui reprend du reste les quatre singles incendiaires, le bien nommé Dogrel. Ce titre qui désigne un mirliton ("doggerel") n'est pas innocent et contient sa part d'ironie en ce que les membres de Fontaines D.C. férus de littérature et de poésie se sont exercés très tôt à l'université à l'écriture de poèmes. Se challengeant très tôt l'un l'autre sous forme de battles où l'un singeait T.S Eliot ou James Joyce, c'est peu dire que ce fier collectif était un rien décalé du reste de ses congénères.
Là, sur une trame rappelant musicalement les efforts venimeux des premiers Wire ou de The Fall voire des Sex Pistols via le furieusement insurrectionnel roulement de r de Johnny Rotten, autre irlandais de souche célèbre, ("Big" qui ouvre l'album), le quintette déploie ses thèmes de prédilection et ceux-ci sont légion : l'argent, l'hypocrisie, la violence ("Hurricane lighter", "Boys in the better land"). Sans parler bien sûr de Dublin célébrée dans le splendide hymne final ("Dublin city sky") et ses pubs ("Liberty belle")
Grian Chatten répète à l'envi que ses deux plus grandes influences musicales sont les Beach Boys et les Pogues. Ici ce sont pour l'instant des Beach Boys passé à la moulinette Ramones dans un mix parfois approximatif (par rapport à la puissance live). .Seuls les esprits chagrins néanmoins bouderont l'esprit do-it-yourself de Fontaines D.C. Les autres et notamment les intéressés savent déjà qu'avec une poignée d'accords les Dubliners ont recrée l'esprit originel de 77 avec toute la morgue nécessaire.
L'Histoire est en marche.
En bref : la grâce atteinte avec trois accords ne s'explique pas. Car elle ne peut émaner que d'un talent et d'un charisme hors-normes. Fontaines D.C. ou le rock irlandais à la relance.