Roman - 420 pages
Editions Actes Sud - août 2018
Prix Goncourt 2018
Été 1992. Anthony et son cousin zone dans le coin, s'incrustent à des fêtes, prennent la moto du père sans autorisation. Mais alors qu'ils sont passablement bourrés et pensent à rentrer, la moto a disparu, et on soupçonne fortement Hocine d'être à l'origine du larcin vu la nervosité de ce dernier voulant participer à la soirée. Cette soirée sera le point de départ de vengeances qui s'enchaîneront, et d'un amour de vacances larvé qui ne quittera pas Anthony.
L'auteur Nicolas Mathieu braque chaque deux ans son projecteur littéraire sur cette petite faune qui évolue en été autour d'un lac, autour de fêtes, de vols, de trafic ou de baise. De 1992 à 1998, il voit le passage à l'âge adulte d'Anthony, Steph, Hacine et les autres, il évoque aussi l'éclatement des couples, les renoncements des adultes parents. Il a des airs de roman social mariné au thriller. En effet, il dépeint à merveille des personnages qui appartiennent littéralement à un lieu précis, un coin désaffecté de l'Est de la France, Heillange. On dirait la Lorraine post-sidérurgique avec les forces vives qui migrent chaque matin pour travailler au Luxembourg. Les personnages y ont grandi, s'y sont côtoyé, battus, amoché, aimé, baisé, engueulé ; et même bien plus tard ils y reviennent. Le scénario fait également que souvent le suspense s'installe, du moins une tension palpable qui naît des rivalités souvent entre les hommes, qui nait de la violence sourde, des honneurs, des insupportables injustices.
Extrait :"Rien qu'à la regarder, Anthony se sentait mal. Ces femmes qui, d'une génération l'autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu'assurer la persistance d'une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l'espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins. Anthony détestait la famille. Elle ne promettait rien qu'un enfer de reconduction sans but ni fin. Lui ferait des voyages et des miracles. Il s'autoriserait des choses ; il ne savait pas quoi au juste."
C'est un pavé qui commence fort, qui gère son rythme de main de maître, alternant les récits selon les différents points de vue des protagonistes, et les digressions sur l'état social d'une France encore actuelle. Le livres réserve aussi des passages intimes très réalistes, des scènes également où la tension s'abat d'un coup sur le lecteur. Malgré l'alcool, la drogue, les vies avortées qu'il décrit, les jeunes qui se débattent voulant s'extraire du bocal de leur milieu social, Leurs enfants après eux n'est pas un roman larmoyant, il est au contraire plein de vie, d'énergie, de souffle.
Des avis - OnLaLu
L'avis de Macha Séry - LeMonde.fr