Dans la foulée de la sortie en vidéo et VOD de la première saison , Koba Films propose à ceux qui ont été accrochés par cette série prometteuse d'enchaîner sur une suite haute en couleurs, approfondissant les thèmes abordés et enrichissant le casting avec une nouvelle venue particulièrement intrigante.
Continuant à mixer intelligemment des idées fortes, des dialogues acérés, des personnages charismatiques et les codes propres au soap qui font qu'on se surprend à suivre pas à pas l'évolution des relations entre ces femmes bafouées et revanchardes, qui n'est autre qu'un des membres de la clique des Harlots saison 2 ouvre davantage son propos, élargit malicieusement son horizon en allant en outre questionner les rapports de force de cette société intensément patriarcale dans laquelle même les femmes bien nées ne sont guère que les victimes promises aux hommes de pouvoir avides de chair fraîche et d'expériences aussi sordides que perversement exaltantes. Bien que toujours axée sur le duel à distance entre les deux tenancières ( Maggie Wells, la nouvelle venue, ancienne pouliche de Lydia Quigley, la mère maquerelle qui fricote avec les grands de ce monde), la série développe le destin des deux filles Wells : Charlotte, qui avait rompu avec sa mère pour se rapprocher de son ennemie et Lucy, l'ex-oie blanche qui est devenue la protégée de Lord Fallon - dont le spectateur connaît le goût pour des plaisirs moins recommandables que le stupre et la luxure. Les deux filles, si elles partagent une certaine rancoeur pour la manière dont elles ont été a fortiori vendues au plus offrant, demeurent tiraillées entre ce qui leur reste d'amour filial et une réelle volonté d'émancipation. La première use avec audace de son charme et de ses accointances pour devenir le bras droit de Lydia Quigley tout en s'acoquinant avec une femme du monde, Lady FitzwilliamMarquis de BlayneSpartiates dont fait aussi partie Fallon. Celui-ci découvre la vénéneuse beauté de Lucy dont il commence à réellement s'enticher, tant elle sait, avec cet instinct particulier qu'ont les survivantes, le titiller tout en le fascinant, découvrant ses secrets les plus inavouables tout en partageant les siens.
Ainsi, pendant une bonne partie de la saison, on se demandera quelles véritables motivations poussent les deux soeurs à se démarquer de leur mère, voire à carrément s'opposer à elle, d'autant que les sous-intrigues complexifient un tantinet le tableau et relativisent les conflits : le nouveau représentant de la Justice, Hunt, homme d'une rare intégrité, s'en prend aux deux bordels avant de se pencher sur l'assassinat d'un noble et les enlèvements de jeune fille qui avaient marqué la première saison ; les langues se délient, de nouveaux éléments surviennent et le voilà en outre qui s'éprend d' Amélia, la douce fille de la prédicatrice Scanwell (ancienne prostituée secrètement manipulée par la Quigley), qui avait bien failli tomber aux mains des Spartiates, toujours à la recherche de jeunes femmes pures à ravager en toute impunité. Encore une fois, tandis que Lydia Quigley continue de manœuvrer pour se rapprocher des hautes sphères, Maggie et son indéfectible comparse Nancy ourdissent des plans qui permettraient d'enfin faire tomber leur rivale pour enlèvement et complicité de viol, voire de meurtre. Mais la Justice des hommes n'est que rarement celle des femmes, et les puissants ont en outre cette fâcheuse manie de corrompre tout ce qu'ils affrontent...
Jamais totalement manichéenne, quoique ouvertement du côté des plus faibles, la série a le bon goût de multiplier les points de vue et de présenter un très large panel de caractères féminins, tous irrésistiblement désireux de sortir de la fange mais cherchant à atteindre, sinon le salut, du moins la sécurité d'une position plus ou moins précaire, en utilisant des voies radicalement opposées et en suivant ou pas les principes qui ont guidé leurs parents. Outre la condition féminine, d'une détestable misère, et la condition sociale dans une société monstrueusement inégalitaire, ce qui ressort dans cette saison ce sont aussi les liens familiaux, et notamment la maternité et les sacrifices parfois inhumains qu'elle exige : il y a cette Florence Scanwell qui a préféré taire son lourd passé afin que sa fille puisse suivre la voie de l'Illumination ; il y a cette lady qui, dans un pensionnat, dissimule à son géniteur le fruit d'amours interdites ; il y a Fanny, gentille harlot de la maison de Maggie, qui désire élever son enfant au coeur envers et contre tout, investissant en elle les espoirs qu'elle a fini par perdre ; il y a Lydia Quigley qui ne sait que faire de son incapable garçon qu'une fille de joie a persuadé de prendre ses distances et mise ce qui lui reste d'amour maternel dans l'avenir de cette Charlotte qu'elle voit comme son reflet ; il y a enfin Margaret Wells dont le coeur est déchiré entre sa vendetta contre la Quigley - qui_ l'avait sortie du ruisseau - et le destin de ses deux filles qu'elle reconnaît n'avoir pas su élever "comme il l'aurait fallu".
Si on peut raisonnablement être un peu déçu de la prestation un peu éthérée de Liv Tyler qui interprète une lady Isabella évanescente, le reste du casting continue d'en imposer, avec une Jessica Brown Findley (Charlotte) qui n'en finit pas de séduire l'audience par son charme enjôleur et ses failles discrètes dans un jeu tout en nuances. Eloise Smyth propose enfin autre chose que des sourires coincés et des moues outrées et confère du coup à son personnage de Lucy une densité insoupçonnée. Si les répliques et les réparties demeurent acérées comme des couteaux, la réalisation semble avoir perdu de son mordant et le tempo est inégal ; en outre, les deux derniers épisodes paraissent légèrement précipités et accumulent quelques incohérences ou maladresses qui heureusement ne gênent pas vraiment la progression des intrigues et parviennent à maintenir une dramaturgie intense.
Le support blu-ray permet de sublimer la palette de couleurs, en mettant particulièrement en valeur la garde-robe ébouriffante des courtisanes et les dorures des palais mondains. En outre, la bande sonore en VO se dote d'innombrables sons d'ambiance ainsi que de quelques chansons particulièrement bien choisies. Il est en outre complété par un entre tien avec Liv Tyler et par un documentaire sur les secrets du tournage. Les huit épisodes tiennent en deux disques, il en faut trois sur le support DVD.
La saison trois est déjà prévue pour cet été. N'hésitez plus !