" République. C'est un nom qui sonne bien, cela veut dire qu'on peut vivre libre, dire ce que l'on veut, aller et venir où l'on veut, boire et prendre une cuite si cela vous chante. Il y a des mots qui font de l'effet. République est un de ces mots, qui me donne des picotements dans les yeux, un serrement de gorge comme quand on voit son premier-né commencer à marcher, quand la barbe le pousse à s'enhardir et à prendre le rasoir de son père. Ces mots-là, quand on les prononce, cela vous réchauffe le cœur. République est un de ces mots. " (John Wayne dans "Alamo", 24 octobre 1960).
Il est parti il y a quarante ans, le 11 juin 1979, à Los Angeles, emporté à 72 ans par une sale maladie, probablement venue de ce qu'il fumait six paquets par jour. Celui qui a prononcé cette apologie à la République, c'est John Wayne, à la fois acteur et réalisateur du film "Alamo" qui retrace les derniers moments de David Crockett dans son combat pour l'indépendance de la République du Texas contre les Mexicains. C'était pour le cinéma mais cela correspondait aussi à un sentiment très profond chez l'homme qui se sentait patriote au sens viril du terme : l'amour des États-Unis, pour celui qui incarnait le mieux l'Amérique de la conquête de l'Ouest, cela se traduisait nécessairement par un engagement au Parti républicain.
John Wayne, la star du cinéma américain. Sa carrière a été longue, cinquante ans, il a commencé en 1926, il n'avait même pas 20 ans (il est né le 26 mai 1907) et il est mort quasiment les bottes aux pieds (son dernier film est sorti en 1976, mais il était malade depuis près d'une dizaine d'années). Parmi ses réalisateurs fétiches, John Ford (qui a cru en lui) et Howard Hawks. Une vraie star internationale malgré son unique Oscar du meilleur acteur (obtenu en 1970 pour "Cent dollars pour un shérif" de Henry Hathaway) et ses deux autres nominations (en 1950 pour "Iwo Jima" et en 1961 pour "Alamo").
Quand j'étais gosse, c'était le seul acteur américain dont je connaissais le nom sans me tromper. Le cow-boy était reconnaissable : pas seulement son visage, pas seulement sa silhouette, mais son allure, ses positions, tout du héros "frimeur". On est loin des westerns spaghettis de Serge Leone avec la musique d' Ennio Morricone. Là, c'est du sérieux, on ne plaisante pas. Les bandits, les Indiens, etc. Les films du mardi soir sur FR3, c'était Tarzan ou western. J'évitais d'en louper un.
Aujourd'hui, un western, généralement, cela m'ennuie, et je me demande bien pourquoi ce changement : pourquoi j'en étais friand dans une période de la vie qui s'appelle l'apprentissage et pourquoi cela m'ennuie ensuite. Peut-être parce qu'avant d'apprendre la subtilité, il faut apprendre le basique ? Je ne dis pas cela pour dévaluer les films où a joué John Wayne, parce que justement, il a excellé dans le genre, et il n'y a pas à faire d'intellectualisme : même Raymond Barre adorait ce genre cinématographique.
John Wayne incarnait excellemment la virilité. Faut-il ajouter : la virilité américaine ? Je ne sais pas. Ce que j'imagine, c'est qu'aujourd'hui, il n'aurait plus sa place. Il se ferait détruire par toutes les ligues qui rejettent, probablement avec raison sur le fond (moins sur la forme), le machisme, le sexisme, et plus généralement, la suprématie du héros américain sur le monde.
Il faut revoir un film comme "Le Grand MacLintock" d'Andrew V. MacLaglen (sorti le 13 novembre 1963). En acteurs principaux, il y a John Wayne et la (encore) très belle Maureen O'Hara (1920-2015) qui fut souvent sa compagne au cinéma (depuis "Rio Grande"). Les scènes machistes sont nombreuses, jusqu'à la fessée que donne John Wayne à Maureen O'Hara, mais heureusement, il ne fallait y voir qu'une parodie (tout n'était donc pas sérieux avec John Wayne) où un couple qui veut divorcer se chamaille en public avec des effets comiques que n'auraient pas reniés Bourvil ni Louis de Funès. Gare à ceux qui prendraient tout cela au premier degré !
John Wayne aimait bien participer à de belles histoires américaines, bien rangées, bien ordonnées, bien moralisatrices et aussi, bien engagées. Ainsi, parmi les rares films qu'il a réalisés (avec "Alamo"), il y a cet ovni, même dans le cinéma américain, "Les Bérets verts" coréalisé avec Ray Kellogg (sorti le 4 juin 1968) où il justifie l'engagement américain au Vietnam. Cela a provoqué des polémiques avec les mouvements pacifistes aux États-Unis. Il a joué dans beaucoup de grandes fresques historiques qui contiennent, pour la plupart, beaucoup d'erreurs factuelles, toujours dans le but d'embellir la contribution des États-Unis. L'exemple le plus flagrant est sans doute " Le Jour le plus long" (sorti le 25 septembre 1962), dont la lecture du script avait tellement mis en colère De Gaulle qu'il a failli interdire le tournage sur les plages normandes.
Cet engagement au sein du Parti républicain avait même encouragé sa direction à lui proposer d'être son candidat aux élections présidentielles de 1968, les considérant comme probablement battues après le succès de Bob Kennedy aux primaires démocrates. Ce n'était pas une proposition à la légère puisque ce fut le candidat républicain qui fut élu à la Maison-blanche, c'est-à-dire Richard Nixon. John Wayne était cependant un homme raisonnable et il se disait que les citoyens américains n'éliraient jamais un acteur de cinéma, aussi connu et populaire fût-il.
C'était sans compter avec Ronald Reagan. John Wayne n'a pas eu le temps de connaître le succès électoral de son collègue d'Hollywood, mais il le soutenait déjà lors de précédentes primaires républicaines (et Ronald Reagan n'était pas un perdreau en politique, il avait été élu gouverneur de Californie). John Wayne aurait-il été un grand Président des États-Unis, ou du moins, un bon Président des États-Unis ? C'est l'inconnue totale.
Savoir réciter un bon texte, y mettre son cœur pour convaincre le spectateur qu'il est sincère et spontané, oui. Mais quel texte ? Un bon acteur est rarement un bon scénariste. L'expérience de Ronald Reagan montre qu'il a su redonner confiance au peuple américain après une série d'humiliations diplomatiques dont la pire fut la prise d'otages à Téhéran lors de la révolution iranienne. Ronald Reagan avait su s'entourer de personnalités aux compétences indiscutables.
Après tout, même un mauvais animateur de téléréalité peut maintenant se faire élire à la Maison-blanche. Et le "comble", c'est que Donald Trump, qui démarre sa campagne électorale le 18 juin 2019 en Floride, a de grandes chances d'être réélu en novembre 2020. Tout compte fait, John Wayne aurait probablement tenu le rôle correctement. Comme un vrai cow-boy qui "en a". Mais sans les excès de langage et de tweets.
Les parlementaires américains ont en tout cas su reconnaître la contribution de John Wayne au prestige des États-Unis puisque le jour de son dernier anniversaire, le 26 mai 1979, le Congrès américain lui a décerné la Médaille d'or du Congrès (qui est la récompense la plus honorable), pour la première fois attribuée à un acteur (et suivie seulement une fois par la gratification de Frank Sinatra le 14 mai 1997). Faute de mandat présidentiel, il nous reste les très nombreux films de John Wayne, de qualités parfois contrastées, dont je propose ici quelques vidéos...
1. "La Chevauchée fantastique" (1939)
2. "La Rivière rouge" (1948)
3. "Rio Bravo" (1959)
4. "L'Homme qui tua Liberty Valance" (1962)
5. "Le Jour le plus long" (1962)
6. "Le Grand MacLintock" (1963)
7. "El Dorado" (1966)
8. "Rio Lobo" (1970)
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (09 juin 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
John Wayne.
Kirk Douglas.
Élie Kakou.
Jean Bouise.
Pierre Desproges.
Anémone.
Gérard Oury.
Zizi Jeanmaire.
Jean-Pierre Marielle.
"Les Éternels".
Jacques Rouxel.
François Berléand.
Niels Arestrup.
"Acting".
"Quai d'Orsay".
Michel Legrand.
Gérard Depardieu.
Maria Pacôme.
Ennio Morricone.
Francis Lai.
Bernadette Lafont.
Pauline Lafont.
Marthe Mercadier.
Jean Piat.
Jacques Brel.
Charles Aznavour.
Charlie Chaplin.
Maurice Chevalier.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190611-john-wayne.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/06/08/37413392.html