Les ignominies de la Team progressiste - 630ème semaine politique

Publié le 08 juin 2019 par Juan

Les résultats des élections européennes ne sont pas digérés, la défaite des uns ou des autres suscite déchirements, démissions et disputes souvent stériles, mais voici que la présidence des ultra-riches reprend ses droits et sa violence. Le "progressisme" version Macron s'affiche comme il est, ignoble.


Après la mascarade des élections européennes
Au Parlement européen, une "grande coalition" rassemblant macronistes, socialistes, Républicains et mêmes ces écologistes d'EELV se dessine. Quelle belle arnaque que ce scrutin où au niveau national les uns et les autres n'avaient pas de slogans assez durs pour dire combien ils s'opposaient. Qui s'étonnera du désintérêt des citoyens pour cette mascarade politique ? Il y a même quelques sondeurs et commentateurs qui s'étonnent de la fracture de classe que ces élections ont aussi révélée... 
Sans rire.
La droite réalise un peu tard que son espace politique a fondu. Wauquiez démissionne de la présidence des Républicains, croyant qu'il est encore temps de se refaire une virginité politique pour la présidentielle de 2022. Une soixantaine de maires de droite affichent leur allégeance à Macron en vue de sauver leur poste aux prochaines municipales. Mais LREM est le nouveau rassemblement des droites:

« Macron est le meilleur président de droite qu'on ait eu depuis un certain temps » résume Emmanuelle Mignon, l'ancienne plume de Sarko.

Oui, Macron est le successeur de Sarkozy, le sourire faussement bienveillant en plus. Il va plus loin que les programmes présidentiels de Sarko en 2007 et 2012. Sorti du placard, Jean-François Copé ne s'est pas gêné pour le rappeler à ses "amis".
En France, Macron parade avec Trump pour le 75ème anniversaire du Débarquement. Des rues de la ville de Caen sont vidées de leurs habitants, une tente est dressée pour cacher l'arrivée de Trump. C'est un spectacle digne des mises en scène nord-coréennes: risible et sans intérêt. Face au gouvernement américain, le souvenir du sacrifice des soldats alliés - américains, britanniques, irlandais, canadiens, français, africains - pour libérer la France aurait mérité mieux qu'une formule polie, presque gênée, d'un Jupiter intimidé: "L'Amérique, cher Président Trump, n'a jamais aussi grande quand elle se bat pour la liberté des autres." Cette formule fut reprise par les médias du monde entier comme la preuve d'une "résistance" française face au Clown de la Maison Blanche. Voilà où se réduit l'ambition politique française face à la furie xénophobe d'un Trump, dans une formule lâchée dans le creux d'un discours que personne n'écoutait. La main sur le coeur, Macron célèbre la liberté et les vétérans, à quelques centaines de kilomètres d'un port français aù accostait un navire bourré d'armements français et européens en route pour équiper l'Arabie Saoudite dans sa guerre meurtrière au Yémen.

Le "Progressisme" contre l'environnement

Qui a oublié toutes ces mesures écologistes et autres promesses non tenues d’Emmanuel Macron à l’échelle nationale (sortie du glyphosate, fin des voitures à essence et à diesel d’ici 2040, etc) publiées dans le programme européen dévoilé à la dernière minute par les macronistes ? Qui a oublié le grreen-washing de la porte-parole Sibeth Ndaye au lendemain du résultat du scrutin quand elle déclarait combien les macronistes travailleraient avec les écolos d'EELV au Parlement européen ?
Bonjour en France, attention à l'atterrissage. Au Sénat, l'un des suppôts macronistes, le sourire en coin et le verbe mielleux, explique benoitement à un élu de droite que, "bien sûr", le gouvernement n'entend pas taxer davantage le kérosène des petites lignes de transport aérien. Il s'oppose aussi aux deux propositions récentes de restreindre les vols intérieurs des député(e)s Delphine Batho et François Ruffin. N'attendez pas du gouvernement que soudainement il s'oppose à l'importation d'huile de palme par Total, à la construction du complexe commercial d'Europa City, au percement du Mont-Blanc pour le tunnel Lyon-Turin, au maintien en exploitation des centrales nucléaires hors d'âge, ou  à l'enfouissement des déchets nucléaires dans la Meuse. Même sur le kérosène des avions, il recule...
François de Rugy a l'écologie vissée au corps, mais ses convictions sont si molles, si flasques qu'elles glissent à ses pieds. Il se fait photographier lançant le "Fond MAIF transition", un fond de 400 millions d'euros pour financer des panneaux photovoltaïques sur serre. Ce croque-mort officiel de la défense de l'environnement laisse au privé l'initiative et la décision de financer la transition écologique, tandis que sa collègue Brune Poirson agite ses bras devant les médias contre le gaspillage, mais les deux désertent là où l'action publique a toute sa puissance: punir les comportements nocifs via l'impôt ou la sanction. Et bien non... Ce gouvernement s'agite sur des gadgets, des objectifs aussi ambitieux que lointains, mais ne fait rien et saborde tout en matière de défense de l'environnement. Cette semaine, Brune Poirson s'agite donc contre cette France qui "produit pour détruire". L'ex-lobbyiste de Veolia promet beaucoup - "des vraies sanctions" - contre les entreprises qui détruisent leurs invendus.... mais pas avant 2023 (faut pas déconner, hein ?).
Sacrée ambition !
Le progressisme écologiste de la Macronie se résume à promettre un paradis vert à la Saint-Glin-Glin.
Le "Progressisme" contre les chômeurs
Qui a oublié comment les Macronistes les plus durs s'étaient requalifié "Team Progressiste" ? Justement, parlons progrès, "parlons printemps". A fin avril 2019, quelque 6,19 millions de personnes étaient inscrites à Pôle Emploi, dont 90% faisant preuve "d'actes positifs de recherche d'emploi", d'après le ministère du travail. C'est trop, beaucoup trop. Comment cacher ces chômeurs qui encombrent le bilan jupitérien ? 
Certes, le vieux-jeune monarque les a déjà traité de tout son mépris de classe - des "fainéants", "illettrés",  "qui ne sont rien", qui n'auraient qu'à "traverser la rue" (dans certaines villes, a-t-il ajouté ultérieurement comme pour mieux justifier son propos). 
Certes, la Macronie a aussi tout fait pour rendre plus opaque l'information des citoyens sur la réalité du chômage: pendant les quinquennats Sarkozy et Hollande, le ministère du Travail était relativement transparent sur le chômage: la DARES publiait chaque mois des statistiques complètes. Quelques mois après son installation, Emmanuel Macron a cassé la thermomètre. Il a exigé que le chômage ne soit plus mesuré mensuellement, les statistiques ont été cachées ou éparpillées sur plusieurs publications distinctes, le site de la DARES est devenu un labyrinthe où l'observateur curieux doit désormais fouiller pour une vision à peu près exhaustive du problème, les supports sont des fichiers Excel indigeste plutôt que des analyses. Bref, il s'agit de masquer l'échec d'une politique.
Après un scrutin européen où il fallut se présenter soudainement "écolo-progressiste" et unique rempart contre l'extrême droite fascisante, voici le projet du gouvernement en matière d'indemnisation des chômeurs qui se dévoile. Rapidement, le quotidien patronal Les Echos publie un sondage rassurant - les Français veulent du sang et de la sanction: sus aux chômeurs-fainéants ! Les négociations entre patronat et syndicats de salariés ont échoué. Du coup, le gouvernement macroniste est suffisamment ignoble pour proposer une réforme qui va "plus loin" que celle du Medef déjà refusée par les syndicats cet hiver: l'allongement de 4 à 6 mois du nombre minimum de mois travaillés (sur les 28 derniers mois) pour pouvoir être indemnisé, ce qui affectera 250 à 300 000 personnes qui perdraient leur indemnisation chômage, pour environ 4% du coût total; rappelons que  58% des chômeurs ne sont pas indemnisés par l'assurance chômage à fin décembre 2018, contre 50% dix ans plus tôt! La dégradation de l'indemnisation chômage est déjà une réalité. Et les autres minima sociaux (RSA, minimum vieillesse, etc) vers lesquels les chômeurs pourraient se rabattre pour compenser cette précarisation n'ont pas pris la relève: la proportion de chômeurs indemnisés de toutes sortes (UNEDIC, RSA, etc) a chuté de 62% au quatrième trimestre 2008 à 50% au quatrième trimestre 2018...

"En même temps", le gouvernement s'abrite sur deux autres propositions pour "équilibrer": la réduction du plafond d'indemnités pour les cadres supérieurs et l'instauration d'un nouveau bonus/malus sur la durée des contrats de travail (une mesure déjà mise en place dans l'ANI de janvier 2013). Une fois de plus, cette réforme est exemplaire de la Macronie, elle tente de convaincre qu'il est "juste" d'être ignoble d'un côté, "progressiste" de l'autre. Elle place sur un terrain d'égalité le fait de basculer des chômeurs précaires dans le RSA et l'instauration de quelques malus pour des entreprises. 


Le "Progressisme" des riches

Source: Observatoire des inégalités

Cette manœuvre se retrouve sur tous les terrains - pour justifier d'accroitre la précarité des chômeurs comme pour justifier les violences policières inouïes que l'on constate depuis l'arrivée de Macron au pouvoir, d'abord contre les étudiant(e)s et lycéen(ne)s (souvenez-vous ce simple exemple d'une cinquantaine de lycéens à genoux, mains sur la tête, tenue en joue par des CRS surarmés au printemps 2018), puis les protestataires du 1er mai, puis les Gilets Jaunes avec les milliers d'arrestations préventives et les centaines de mutilations (au 7 juin 2019, on dénombre 809 signalements de violences policières, 295 blessures à la tête dont 24 éborgnés; 5 mains arrachées; 595 victimes dont 47 mineurs et 110 journalistes), puis la convocation de journalistes par les services secrets.

"Grâce" à Macron, cette violence contre les "gueux" que l'on moque a pris une dimension physique inédite sous la Vème République depuis mai 1968.


En Macronie, "l’idéal de l’objectivité, c’est l’égalité du temps de parole entre deux adversaires", commente un confrère. L'idéal macroniste consiste à équilibrer sa malveillance et sa violence de classe par quelque "goodies" indolores. Il s'agit d'éviter l'accusation frontale d'inaction "progressiste", d'avoir toujours quelque gadget à disposition pour cela.
Sur le terrain fiscal, le "progressisme" macroniste lance un gentil gadget, un site internet baptisé "oups" qui reprend toutes les erreurs des contribuables que l'administration fiscale est censée désormais tolérer une première fois. Darmanin tweete: "Le droit à l’erreur est aujourd’hui une réalité. Nous ne sanctionnons plus les erreurs involontaires." Le même ministre des Comptes Publics sabre dans les effectifs des impôts. Alors que la fraude fiscale est évaluée à une centaine de milliards d'euros par an, le gouvernement s'empresse de supprimer des postes à Bercy. Car il s'agit non pas d'un redéploiement de postes - suppressions ici, créations ailleurs - mais bel et bien d'une réduction des effectifs dédiés au contrôle et au traitement des déclarations de revenus: 2000 postes au total. Même le service des impôts des résidents étrangers (DSFiP et réseau étranger) va perdre 42 postes... "Depuis 2008, 20.000 agents ont perdu leur emploi" commente le magazine Capital. Et "en même temps", le gouvernement gagne du temps en réclamant une évaluation "d'ici novembre" par la Cour des Comptes de l'ampleur de la fraude fiscale en France.
Les exonérations fiscales et sociales pour les plus riches et les grandes entreprises ont été massives et immédiates depuis l'élection de Macron en 2017. Les réductions d'effectifs pour contrôler les impôts et les revenus également. Mais l'évaluation de la fraude peut attendre... 
Quel sens des priorités ...
Cette présidence des riches était parvenue à masquer la grève croissante des urgentistes en France, le temps d'un scrutin. Les paramédicaux ne réclament rien d'autre que des moyens pour faire correctement leur travail. Infirmières et infirmiers, aides-soignantes et aides-soignants contestent les suppressions de lits au nom de la rentabilité, ils fustigent la maigre augmentation de 2% du budget des hopitaux, qui ne compensera pas la hausse de 5 à 10% de la fréquentation des urgences chaque année. Déjà 85 établissements sont concernés par cette grève sans interruption de travail, le brassard au bras, sauf quand les personnels sont à bout, comme à Lariboisière (où le sinistre ministre Castaner avait récemment inventé une attaque de Gilets Jaunes), où le gouvernement envoie les gendarmes réquisitionnés des personnels épuisés."Les urgences sont devenues la variable d’ajustement d’un système de santé qui dysfonctionne complètement" résume Patrick Pelloux, habituellement très indugent avec la Macronie en place. La ministre Buzyn refuse de recevoir les représentants des grévistes. Elle fustige l'absentéisme des épuisées, avant de se réfugier derrière sa loi "Ma Santé 2022" qui ne répond pourtant pas aux revendications.
Plus cynique encore, la Macronie officielle a lancé la mise en œuvre, plus de 9 mois après son annonce (sic!), de l'une des mesures phare du plan Pauvreté de septembre 2018: le Revenu Universel d'Activité. Il s'agit de fusionner tous les minima sociaux en une seule prestation plus simple, plus lisible et, surtout... conditionné à une activité. "Au-delà du côté blessant, c’est une manière d’attaquer le salaire minimum et de mettre en concurrence des smicards avec des allocataires" a commenté Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS), qui regroupe 870 associations et organismes de lutte contre l'exclusion.
Ami(e) macroniste, mais où es-tu ?
Quand on assume des milliers d’arrestations préventives, des centaines de mutilations de manifestants, et des convocations de journalistes par les services secrets, on ferme sa bouche au moment de ces hommages, petit homme. https://t.co/OMw5KzX9wx — Juan. (@Sarkofrance) 8 juin 2019