Un Français vainqueur, un vainqueur tricheur : c'est officiel !
Un Français vainqueur de l'étape ? Mieux, vainqueur du Tour. Maurice Garin en 1903.
A l'époque, on ne courait pas le 14 juillet. Une étape tous les 4 ou 5 jours, six étapes en tout. Maurice a gagné la première et n'a plus lâché le maillot jaune (qui n'existait pas à l'époque !). Il courait pour La Française, une marque de cycles. Les surnoms des coureurs de l'époque font penser à ceux des catcheurs ("le boucher de Sens", le forgeron de Grisolles") et rappellent avec certitude la profession d'origine.
Garin était d'origine italienne. Il venait d'une famille pauvre du Val d'Aoste. Naturalisé à une date controversée. Il y en a qui n'aiment pas le Tour, trouvant sans doute qu'il rime avec tricherie. La première officiellement recensée date de 1904 (Tour que gagna Garin avant d'être déclassé...).
Encore une victoire d'étape perdue par Wikipedia ?
Selon Wikipedia, il a été naturalisé en décembre 1901, à l'âge de trente ans, deux ans avant de participer au premier Tour de France. A cette époque, il avait déjà un palmarès très étoffé : une deuxième et une troisième place au Bol d'Or (c'est pas une blague, il était couru sur piste...), deux Paris-Roubaix à son actif, certainement plus d'une vingtaine de grandes courses. Dont la plupart sont aujourd'hui oubliées, songeons un instant au Tourcoing-Béthune-Tourcoing ou aux Vingt-quatre heures des Arts Libéraux !
L'encyclopédie Universalis date cette naturalisation de 1892. Selon, un article de l'Alsace excellent, le jeune Garin fête ses 21 ans cette année là et peut donc acquérir la nationalité française. Lisez l'article de l'Alsace, on dirait qu'il a été écrit par Audine.
Spéculateurs avides
Arvier, Val d'Aoste. 1875. 1250 âmes. 224 familles.
"Certaines d'entre elles étaient particulièrement nombreuses. C'était le cas de celle de Maurice Clément Garin, un modeste laboureur qui, en 1864, à l'âge de trente-six ans, avait épousé Maria Teresa Ozello, une jeune fille âgée de dix-neuf ans, qui travaillait dans l'unique hôtel d'Arvier. Le couple eut neuf enfants : quatre filles et cinq garçons, dont deux jumeaux."
Ca continue comme du Audine et ça finit comme du Mathieu.
"L'on a quelque idée théorique de ce que pouvait être en ce temps-là la vie d'une famille pauvre dans une vallée pauvre, où le tourisme n'avait pas encore fait son apparition. Souvent l'émigration apparaissait comme la seule échappatoire possible. Il en alla ainsi pour la famille Garin, qui décida, en 1885, d'aller chercher du travail au-delà des Alpes. L'on ne sait trop de quelle manière se fit ce départ. Par la route du col du Petit-Saint-Bernard, ouverte depuis 1872 ? Ou clandestinement, par le col du Mont, à 2600 mètres d'altitude ? En bloc ou individuellement ? Selon certaines sources, le futur champion, alors âgé de quatorze ans, aurait été emmené par l'un de ces rabatteurs qui venaient au Val d'Aoste recruter les petits ramoneurs. Maurice aurait, en quelque sorte, été troqué contre une meule de fromage...
Si l'anecdote n'est pas forcément véridique, il n'en reste pas moins qu'elle est plausible. En effet, à la même époque, le sous-préfet d'Aoste avait fait parvenir une circulaire aux maires afin de leur enjoindre de «
refuser absolument ou, tout au moins, à accorder, avec les plus diligentes précautions, le certificat que la loi prescrit pour obtenir le passeport pour l'étranger. » Et de mettre en garde contre « des spéculateurs avides (qui), sous prétexte de faire apprendre un métier aux jeunes enfants, celui notamment de ramoneur, cherchent à séduire leurs parents par des promesses et par des faux espoirs et (qui) obtiennent les enfants... pour en tirer un large profit à leur avantage, en exploitant la fatigue, la misère et quelquefois la vie même. »"Chaudières italiennesMaurice Garin était surnommé "Le Petit ramoneur". Aujourd'hui, c'est Saunier Duval de Mauro Gianneti qui fait la loi sur le Tour avec Ricardo Ricco (vainqueur à Super-Besse) et Leonardo Piepoli (à Hautacam). On n'empêche pas les chaudières de franchir les frontières.