Il n'aura échappé à personne que Donald Trump a une vision bien à lui des négociations commerciales. Ainsi, a-t-il décidé au nom de la sécurité nationale de taxer les importations étrangères - pour l'instant surtout chinoises - et d'exclure certaines entreprises comme Huawei du grand marché de la 5G. Ce faisant, Trump exhibe son tropisme pour le combat, persuadé que cela contribue à l'intérêt des États-Unis. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que doté du "privilège exorbitant du dollar", le gouvernement américain est en effet en mesure de faire avaler des couleuvres à ses partenaires commerciaux !
Le déficit commercial des États-Unis avec la Chine
Un graphique en dira plus long que des mots :
[ Source : La Tribune ]
En tout état de cause, la Chine est un partenaire commercial majeur des États-Unis :
Vous trouverez plus de infographies sur StatistaLe déficit extérieur global des États-Unis
Il est cependant bon de rappeler que les États-Unis ont un déficit commercial global chronique :
[ Source : Natixis ]
Et même en intégrant les services, revenus et les transferts pour obtenir la balance courante, qui montre la capacité d’un pays à financer ses activités économiques, le déficit extérieur demeure chronique :
[ Source : Natixis ]
Les États-Unis font d'ailleurs face à ce que les économistes qualifient de déficits jumeaux (déficit extérieur et déficit public) :
[ Source : Wikipedia ]
La surtaxation des importations chinoises
Face à ce manque patent de compétitivité à l'export de l'économie américaine, Donald Trump a au contraire considéré que le problème était entièrement de la faute des Chinois. Certes le gouvernement chinois n'est pas exempt de critiques sur la manipulation de sa monnaie, l'espionnage industriel et les cyberattaques, mais déclarer ouvertement la guerre commerciale à un partenaire commercial majeur comme la Chine n'est certainement pas une bonne idée, surtout lorsque la production locale américaine n’est plus en mesure de se substituer aux importations...
Toujours est-il que les menaces de Trump, à savoir relever de 10 à 25 % les droits de douane sur l'équivalent monétaire de 200 milliards de dollars une liste de produits chinois importés, ont été mises à exécution en raison officiellement du peu d'empressement dont aurait fait preuve le gouvernement chinois, malgré quelques vagues promesses d'acheter du gaz américain et des matières agricoles :
[ Source : Le Figaro ]
Droit dans ses bottes, Trump exige toujours de la Chine l'ouverture réelle du marché des services, la fin des manipulations sur le yuan, l'arrêt des transferts de technologie, une limitation des aides publiques aux entreprises et la protection des brevets. Et pour obtenir gain de cause, il semble prêt à un bras de fer de longue durée, quitte à surtaxer la totalité des importations chinoises, d'autant que l'économie américaine est loin du cataclysme tant annoncé...
Les conséquences d'un tel protectionnisme
Politiquement, le coup a porté et peut être mis au crédit de Trump pour les prochaines élections ; économiquement, c'était probablement la pire chose à faire au vu de la segmentation de la chaîne de valeur dans l'industrie américaine. En effet, au vu des différentiels de coûts salariaux unitaires, il est improbable que des droits de douane puissent conduire à la relocation de pans entiers de la production industrielle aux États-Unis.
Théoriquement, tout dépend en fait de la sensibilité au prix des importations chinoises aux États-Unis et de la substituabilité entre produits chinois et produits américains : si les importations sont fortement sensibles à leurs prix et qu'il existe des produits américains de substitution, alors la surtaxation des importations va réduire les importations chinoises aux États-Unis. Trump et son administration semblent persuadés que c'est le cas.
Bien entendu, Pékin n'est pas resté les bras croisés et a décidé de surtaxer dès le 1er juin 5400 produits américains, représentant 60 milliards de dollars d'importations. Et contrairement aux optimistes béats, je ne crois pas que l'UE réussira à sortir son épingle de ce jeu de massacre entre les États-Unis et la Chine, car les chaînes de valeurs sont désormais mondiales. Au contraire, je crains fort que les pays membres de l'UE, à commencer par l'Allemagne, ne soit des victimes collatérales de cette guerre commerciale...
La situation économique des États-Unis
Malgré quelques points faibles, l'économie américaine reste florissante et ne semble pas pour l'instant proche de l'abîme annoncé ad nauseam par de nombreux commentateurs depuis l'élection de Trump. Le taux de chômage est très faible, même si cela ne présume en rien de la qualité des emplois occupés :
[ Source : OCDE ]
Au reste, la mise en place d'une politique budgétaire expansionniste au plein-emploi, pour surprenante qu'elle paraisse, se conjugue à une politique monétaire expansionniste malgré le récri de Donald Trump. Et le pire est que contrairement à l'idée selon laquelle cela favoriserait l'inflation, aux États-Unis cela conduit à une augmentation des gains de productivité et du taux d'emploi, donc de la croissance de la croissance potentielle !
[ Source : Natixis ]
Pour conclure, rappelons que les États-Unis jouissent d'un statut particulier sur la scène économique mondiale, au travers du "privilège exorbitant du dollar", qui leur permet de financer un déficit "sans pleurs" pour reprendre le mot de Jacques Rueff. On pourrait ajouter qu'ils jouissent également d'un statut particulier sur le plan politique, en tant que première puissance mondiale. Et visiblement, Donald Trump le sait !
P.S. : l'image de ce billet provient de cet article de Challenge.