Alors que la grande vogue des « hackathons » a fini par passer, probablement en raison des dérives qui en ont miné la valeur, BBVA organisait récemment un « datathon », destiné à identifier et, si possible, recruter les meilleurs spécialistes des données dont la banque a besoin pour assurer son avenir. Une sorte de retour aux sources…
L'opération a rassemblé 60 participants, sur plus de 1 000 candidats déclarés, au siège du groupe à Madrid. Après une présentation de leur activité par les responsables des différentes entités susceptibles de faire appel à leurs compétences, les heureux élus étaient répartis en 10 équipes chargées de concevoir et développer des solutions exploitant le jeu de données mis à leur disposition, à savoir les informations sur les exportations de produits aux États-Unis d'un échantillon d'entreprises.
L'objectif de BBVA est extrêmement clair : son ambition de devenir une banque pilotée par les données lui impose de compléter ses effectifs avec 2 000 analystes, dont 800 professionnels de la science des données et de l'intelligence artificielle. Une partie d'entre eux proviendront de l'interne, grâce aux importants programmes de formation mis en place, mais les autres doivent être recherchés sur le marché de l'emploi, notamment parmi les jeunes diplômés, qui constituent justement la cible du « datathon ».
L'événement répond en effet précisément à un tel enjeu, puisque la promesse qui l'accompagne est d'intégrer l'équipe lauréate – désignée à l'issue d'une inévitable séquence de « pitches » – à un dispositif dédié (« Young Data Professionals ») qui leur permettra, à partir du mois de septembre, d'exercer leurs talents sur des cas d'application réels et concrets dans plusieurs entités du groupe. Par ailleurs, l'ensemble des participants à la phase finale reste éligible à l'obtention d'une position au sein de BBVA.
Le choix de recourir à un format de « hackathon » dans une démarche de recrutement ne doit rien ici à un désir de sacrifier à une mode (en déclin, au demeurant). Les responsables des ressources humaines de la banque y voient au contraire des avantages substantiels dans ce contexte précis, tels que la capacité à évaluer non seulement les qualifications techniques des candidats mais aussi leurs autres aptitudes.
En effet, un bon « data scientist » ne se contente pas de savoir analyser les données et concevoir des modèles afin de les exploiter. Il doit en outre posséder une connaissance de l'environnement dans lequel il évolue et comprendre comment son rôle s'inscrit dans l'activité de son entreprise (et de la division qui l'emploie). Il doit maîtriser la communication des résultats qu'il produit, par exemple à travers des solutions de visualisation. Enfin, parce qu'il travaillera rarement seul, son comportement en équipe est également déterminant. Autant de qualités vérifiables au cours de cette journée.
Du point de vue des participants au « datathon », l'exercice qui leur est proposé est certes plus exigeant que les méthodes de recrutement traditionnelles. En revanche, il leur offre une opportunité unique de s'imprégner de la culture et des modes de fonctionnement de leur éventuel futur employeur, en interagissant directement avec des collaborateurs en place (qui deviendront peut-être, un jour, leurs managers), en découvrant des questions pratiques auxquelles il leur sera demandé de répondre avec leur savoir-faire…
Cette perspective justifie toutefois d'adresser un petit avertissement aux institutions financières qui seraient tentées de répliquer l'approche de BBVA. Celle-ci ne peut parvenir à attirer les meilleurs profils que parce que la banque a déjà démontré son engagement dans l'utilisation stratégique de l'information (dans le cadre plus large de sa mutation « digitale »). Tel est désormais le paradoxe du domaine de l'analyse de données et de l'IA qu'il faut être suffisamment avancé dans leurs usages pour assembler les équipes qui aideront à maintenir le rythme des progrès. Les retardataires ont du souci à se faire…