Magazine Culture

À la recherche de la Marianne perdue…

Publié le 31 mai 2019 par Tetue @tetue

La Marianne tricolore est un des éléments visuel qui permet d'identifier les sites publics. Son usage est défini dans la Charte Internet de l'État (CIE) de 2012 qui, appliquant la Charte Graphique de la Communication Gouvernementale (CGCG) de 1999, impose la présence d'un « bloc Marianne » dans le coin supérieur gauche du bandeau de chaque site web public, comme s'il s'agissait d'un papier à en-tête :

Dimensions et composition du « bloc Marianne »

La construction du « bloc Marianne » est définie par la règle 11 de la CIE. En réalité, cette règle s'applique sans grande cohésion et bon nombre de sites officiels n'emploient plus ce bloc actuellement dans leur bandeau, préférant un logo Marianne seul, dont l'horizontalité est plus appropriée à un en-tête web, autrement appelé header en HTML :

Comparaison des différents header des sites publics officiels

Ce logo, officiellement adopté en 1999, rassemble trois symboles français — la Marianne, le drapeau tricolore et la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » — pour représenter la République française. Même si son esthétique tient plus du timbre poste que du logotype, il fait suffisamment consensus pour s'afficher sur la plupart des sites institutionnels, persistant même lorsque les autres règles graphiques ne sont pas respectées.

Mais où trouver le fichier source de cette Marianne tricolore ? La CGCG propose le logo en téléchargement dans différents formats (EPS et BMP) plus adaptés au print qu'au Web, tandis que la CIE met à disposition logotype, favicon et autres sur demande via courriel… à des adresses qui, vu l'ancienneté de ces chartes, n'existent plus aujourd'hui. Aïe, il semble que nous ayons perdu la Marianne ! Ceci explique les différences de dimensions, de teintes et de résolutions — et même une Marianne tricolore à l'envers sur un site communal ! — sur les différents sites, qui bidouillent, faute de référence :

À la recherche de la Marianne perdue…

Pourtant, à défaut de source officielle, en cherchant « logo Marianne » sur le Web, l'on trouve assez rapidement le logo de la République française (en SVG) sur Wikipédia. Ses couleurs officielles sont exprimées (dans la CGCG) en CMJN et Pantone, ce qui convient pour l'impression sur papier mais pas pour les supports numériques. Leur extrapolation hexadécimale donne du bleu #0033FF et du rouge #FF0000, un peu criards sur les écrans. Mais quelles sont les couleurs du drapeau français ? Wikipédia indique du bleu #051440 et du rouge #EC1920, un peu trop foncés. En réalité, bien que les lois définissent les couleurs du drapeau, elles ne précisent pas la nuance et celle-ci varie selon les habitudes, les institutions et les supports. Parfois remplacé par un bleu plus vif, identique à celui du drapeau européen, le bleu est plus sombre sur les drapeaux qui ornent IRL les bâtiments publics français.

C'est ainsi que sur les sites institutionnels, l'on croise bien des nuances de bleu et de rouge et cette Marianne se décline à l'envie en silhouette, en filigrane, en bouton, prend du relief, du dégradé, s'étoile, se détoure, se dédouble… et inspire d'autres logotypes comme celui de la DINSIC, de l'Ambassade de France aux États-Unis, de France Connect ou le label du référentiel Marianne :

Déclinaisons institutionnelles du logo Marianne

Côté détournement, le faux « Ministère de la Crise du Logement » s'approprie le logo en 2007. Plus récemment, le succès viral de la Marianne en pleurs, au lendemain des attentats de 2015, déclinée en fan art, témoigne de son adoption par le grand public.

Détournements du logo Marianne

Finalement j'aime assez le grand bazar graphique autour de ce logo qui, n'ayant plus de source officielle, spontanément documenté par les internautes sur Wikipédia, devient multiple. La Marianne tricolore n'est pas perdue, au contraire : déclinée et détournée, réappropriée tant par les institutions, les mouvements militants que la multitude, elle se retrouve partout. Outrepassant les règles et les chartes officielles trop anachroniques pour être encore crédibles, comme nous, Marianne vit sa vie.


Retour à La Une de Logo Paperblog