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1-2-2 La Vierge au Chanoine Van der Paele (1434-36)

Publié le 30 mai 2019 par Albrecht
1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges
La Vierge au Chanoine Van der Paele
Van Eyck, 1434-36, Groeningemuseum, Bruges [1]

Une donation à Saint Donatien

Joris van der Paele, revenu dans sa ville natale de Bruges comme chanoine de la cathédrale St. Donatien et songeant au salut de son âme suite à une maladie, commanda ce panneau à Van Eyck en 1434, en même temps qu’il faisait une donation à l’église pour se faire dire des messes.

Déposé un peu plus tard dans la cathédrale (1436 ou 1443), le tableau revêtait donc d’emblée un caractère officiel.

Un placement hiérarchique

Il était donc logique que Saint Donatien, en tant que patron de la cathédrale et de la ville de Bruges, occupe la place d’honneur à la droite de la Vierge. Ce qui laissait à Joris et à son patron personnel, Saint Georges, la place plus humble de gauche.


1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges detail chaussure

http://closertovaneyck.kikirpa.be, © KIK-IRPA, Brussels.

Cette humilité se traduit par le regard du chanoine, qui ne regarde pas directement les autorités supérieures, ainsi que par le détail du pied armé du saint posé sur son surplis : contact entre le Saint et l’Humain plus discret que celui du doigt qui, comme le montre l’ombre, le frôle mais ne le touche pas.

Les deux chapiteaux historiés

1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges chapiteaux
Grâce aux travaux récents de Jamie L Smith [2], on sait maintenant que les quatre scènes suivent la chronologie biblique.

Le chapiteau de gauche

Abraham et Melchisedek ,Nicolas de Verdun, XIIeme siècle, Klosterneuburg
Abraham et Melchisédek ,Nicolas de Verdun, XIIeme siècle, Klosterneuburg

Episode peu connu aujourd’hui, la rencontre entre Abraham et Melkisédek était vue comme une préfiguration de l’Eucharistie, à cause du verset suivant :

« Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut » Genèse 14:18

1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges chapiteaux detail
On voit bien sur le chapiteau Melchisédek à genoux présentant un calice, et un serviteur debout derrière lui tenant un récipient.

La partie droite du chapiteau montre le sacrifice d’Isaac, qui était vu quant à lui comme une préfiguration du sacrifice du Christ, donc également de l’Eucharistie.

Le chapiteau de droite

1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges chapiteau droite

La partie droite du chapiteau montre le combat de David contre le géant Goliath.

La partie gauche en revanche est plus controversée. On y a longtemps vu  le combat d’Abraham contre les quatre rois (à cause du bouclier orné d’une tête, très semblable à celui d’Abraham dans l’autre chapiteau). Jamie L Smith, ayant reconnu un personnage féminin en longue robe dans la figure la plus à gauche, a montré qu’il s’agissait plus probablement de la victoire de Jephté sur les Ammonites.

Jephte et sa fille Psautier_dit_de_saint_Louis BNF Latin 10525 fol 53v Gallica

Jephte et sa fille, Psautier dit,de,saint Louis, BNF Latin 10525 fol 53v (Gallica)

En rentrant chez suite à sa victoire, Jephté fut contraint de sacrifier sa propre fille pour respecter le voeu malencontreux qui lui avait assuré sa victoire : « celui qui sortira des portes de ma maison à ma rencontre… je l’offrirai en holocauste. »

Il faut reconnaître que la version de Van Eyck, qui condense la bataille et le sacrifice en un demi-chapiteau, est particulièrement cryptique. On ne comprend bien sa nécessité qu’en prenant en compte la composition d’ensemble.

Un décor symbolique

L.Naftulin [3] a proposé une interprétation convaincante de la composition d’ensemble, en ajoutant aux chapiteaux les scènes de part et d’autre du trône de Marie.

1434-36 Van Eyck La_Madone_au_Chanoine_Van_der_Paele Groeningemuseum, Bruges schema ensemble
A gauche, le meurtre d’Abel par Caïn (au dessus de leur père Adam) est le sacrifice d’un innocent. A droite, la victoire de Samson sur le lion (au dessus d’Eve, anti-héroïne connue pour ne pas avoir combattu le serpent) était interprétée au Moyen-Age comme une préfiguration de la descente du Christ aux Limbes, autrement dit de sa victoire sur la mort.

Les deux thèmes du Sacrifice et de la Victoire se partagent la composition, assez subtilement puisque les chapiteaux présentent chacun, dans leur moitié gauche, le thèmes adverse.

En prenant un peu de recul, il devient clair que cette thématique englobe également les deux saints patrons :

  • Saint Donatien, évêque de Reims, représentant l’Eglise sacerdotale (celle qui célèbre dans l’Eucharistie le sacrifice du Christ) ;
  • Saint Georges, vainqueur du dragon (comme Samson du lion), représentant l’Eglise combattante.

Références : [1] Pour un aperçu d’ensemble : https://en.wikipedia.org/wiki/Virgin_and_Child_with_Canon_van_der_Paele [2] Jamie L. Smith, « Jan van Eyck’s Typology of Spiritual Knighthood in the Van der Paele Madonna » in « Imago Exegetica: Visual Images as Exegetical Instruments, 1400-1700″, BRILL, 17 mars 2014 https://books.google.fr/books?id=uN8zDwAAQBAJ&pg=PA54&lpg=PA54&dq=Jephthah%27s+sacrifice+Van+Eyck&source=bl&ots=FONl_plmhy&sig=t5DnuwauKCJrevkxw1pXqF1gF18&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjknsDF6PzeAhVFxoUKHfIuAi0Q6AEwB3oECAAQAQ#v=onepage&q=Jephthah’s%20sacrifice%20Van%20Eyck&f=false [3] « A note on the iconography of the van der Paele Madonna », LAWRENCE NAFTULIN Oud Holland Vol. 86, No. 1 (1971), pp. 3-8 https://www.jstor.org/stable/42710881

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