La confirmation éclatante du talent du chef Laurent Chabert.
En quelques années à L’Hospitalet, le chef a pris de l’assurance, confiance dans son talent qu’il a développé avec sérieux et opiniâtreté au cours des saisons, travaillant sans relâche pour peaufiner une cuisine qui arrive aujourd’hui à sa plénitude. L’homme n’est pas un communicant qui aime parader sans les medias, ni faire des concours qui n’en sont plus et qui tournent à la foire aux egos avec des jeux de rôles pour des acteurs qui n’en sont pas. Discret, efficace, il aime la lande sauvage et les vents des Corbières. Il a créé son jardin potager qui donne maintenant à plein rendement pour les herbes et les légumes. Il a l’huile d’olive du domaine, son pécheur à Gruissan, ses fromages de l’Aude, et ses fournisseurs à quelques kilomètres alentour. Il aime et se sent bien avec ce monde et sa cuisine en est le reflet parfait. Il y est arrivé en 2013, après un parcours d’étoilés à travers la France et la Corse et une enfance en Auvergne où ses parents étaient éleveurs.
Il travaille une carte riche, variée, intelligente et appétissante avec un petit côté sophistiqué qui rajoute à l’intérêt qu’elle suscite. On y trouve des Initiations Salées, des plats Côté mer et Côté terre, et des Douceurs salées ou sucrées définies par le chef pâtissier Sébastien Barrière. Il existe un Menu Découverte (49 €) qui donne en trois plats une belle introduction à la cuisine du chef dans ce qu’elle a de meilleur, mais pour aller plus avant, il est bon de se plonger dans le choix de la carte et suivre ses envies induites par la lecture des mets.
L’amuse-bouche, et c’est rare, vous prend par surprise par sa beauté, sa puissance des goûts et son équilibre. Une Quenelle de brebis, piment, orange, crémeux d’orange/carotte, et brioche aux olives. Parfait.
Marbré au foie gras mariné au vin chaud et épices, poire pochée, chutney et sorbet. Un classique de la maison mais que le chef a fait progresser au fil du temps pour parvenir à une sorte de perfection. Une construction compliquée mais très équilibrée, esthétiquement soigné, et aux saveurs bien marquées. Une réussite.
Le chef est parti sur l’idée d’une île flottante pour élaborer sa Soupe de poissons de roche de Méditerranée, grondin rôti, ail noir, blanc d’œuf au safran de Gruissan. Encore un très beau plat, savoureux, tout en finesse sur des saveurs maritimes. Une bonne idée, bien réalisée, et généreuse.
Petit problème d’équilibre ou comment ne pas avoir la main lourde avec un condiment comme la câpre qui a une fâcheuse tendance à envahir un plat. La croûte de câpres et persil qui recouvre le filet de sole prend en otage les saveurs discrètes du poisson d’autant que les câpres sont généralement vinaigrées. Dommage. En accompagnement, un joli jus d’arrêtes aux olives Lucques de l’Oulibo, citron confit, et une asperge blanche trop al dente pour un légume fibreux.
Côté terre, Croustillant de pigeon au foie gras farci aux jeunes pousses d’épinards et roquettes, crémeux de petits pois, jus de carcasses. Nous sommes en face du plat fétiche du chef. Il le propose sans faillir toute l’année et au fil du temps, c’est devenu son plat signature dont il a du mal à se défaire de temps en temps. Par rapport à l’évolution de sa cuisine, c’est un plat qui ne lui ressemble plus vraiment et qui parait un peu désuet par rapport à la modernité de ses plats. Très construit, compliqué presque, souvent en sous cuisson, c’est plus une recette de concours d’ailleurs réussie si on aime le genre. Il n’empêche que le plat a du succès et le client a toujours raison, ou presque toujours…
Sébastien Barrière entre en scène avec une Frécinette (petite banane) rôtie au barbecue, crème laitière au Bailey’s, ganache et croustillant cacahuète, sorbet banane et écran de fumée. Très décoratif, bien construit, agréable sauf le dôme croustillant qui s’éparpille sur le dessert lorsqu’on le casse et qui transforme alors ce même dessert. Par contre, la Bergamote dans tous ses états est une réussite par sa simplicité, ses parfums et sa fraicheur. Un beau dessert.
Un repas passionnant grâce au travail et au talent du chef et de son équipe. Ils travaillent depuis un moment m ais encore plus aujourd’hui une cuisine d’étoilée et cette récompense méritée tarde à venir. C’est dommage mais cela n’entame en rien le moral des troupes. Service efficace et joyeux, accueil idem. Tourt roule.
Les accords des mets et des vins sont un moment important du repas. Nous sommes chez Gérard Bertrand et le choix est vaste. Au cours de ce repas, il y eut quelques merveilles, à la fois des classiques et toujours des découvertes, et les accords furent bien pensés. Citons pour mémoire et surtout pour le plaisir : Le Château des Karantes, AOP La Clape, blanc, 2017 ; le magnifique La Forge (syrah, carignan), 2016, rouge, du Château de Villemajou en AOP Corbières Boutenac, ahurissant sur le pigeon.
Menu Art de Vivre : 69 € (5 services)
Menu La Tentation : 89 € (7 services)
Carte : 69 € (minimum) – 93 € (maximum)
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