Roberto Juarroz – Un jour viendra…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Un jour viendra
où il n’y aura plus à pousser les vitres pour qu’elles tombent,
ni à enfoncer les clous pour qu’ils soutiennent,
ni à marcher sur les pierres pour qu’elles se taisent,
ni à boire le visage des femmes pour qu’elles sourient.

Commencera la grande union.
Dieu lui-même apprendra à parler
et l’air et la lumière
entreront dans son antre de craintives éternités.

Il n’y aura plus alors de différence entre tes yeux et ton ventre,
ni entre mes paroles et ma voix.
Les pierres seront comme tes seins
et je ferai mes vers avec les mains
pour que nul ne puisse désormais se méprendre.

*

Llegará un día
en el cual no habrá que empujar los vidrios para que caigan,
ni martillar los clavos para que sostengan,
ni pisar las piedras para que se callen,
ni beber el rostro de las mujeres para que sonrían.

Empezará la gran unión.
Hasta Dios aprenderá a hablar
y el aire y la luz
entrarán en su cueva de miedosas eternidades.

Entonces ya no habrá diferencia entre tus ojos y tu vientre,
ni entre mis palabras y mi voz.
Las piedras serán como tus senos
y yo haré mis versos con las manos,
para que nadie pueda ya confundirse.

***

Roberto Juarroz (1925-1995)Primera poesía vertical (1958) – Poésie verticale (Fayard, 1989) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Roger Munier.