Lundi 6 mai 2019, les 450 experts missionnés par l’Organisation Nations Unies, via l’Ipbes*, ont dévoilé leur rapport sur la biodiversité et l’évaluation mondiale des écosystèmes. Le constat est sans appel, la biodiversité va mal, très mal. Selon eux, un million d’espèces végétales et animales est à court terme menacé. Conséquence immédiate, de plus en plus de voix s’élèvent pour que cette question soit traitée au même titre que celle du dérèglement climatique. A juste titre d’ailleurs, puisque les deux sont intimement liées.
Absence de prise de conscience
On sait aujourd’hui que l’urbanisation, avec la surexploitation des ressources, l’agriculture intensive ou encore le recours massif aux pesticides, est l’un des facteurs de ce désastre annoncé. Facteur aggravant, les métropoles et les projets d’urbanisation, y compris lorsque l’on parle d’éco-quartier, sont pour la plupart très minérales, la question de la biodiversité végétale et animale n’étant que très rarement prise en compte. Sa conservation et sa régénérescence, appréhendées dans une gestion environnementale globale, demeure trop souvent une affaire de spécialistes.
Groupe de travail biodiversité
Ne soyons cependant pas trop sévère, la définir simplement, comprendre ses interactions avec le bâtiment et la ville sont choses complexes et des actions ont été entreprises dans ce sens. Ainsi depuis 2014, le Plan Bâtiment Durable a mis en place un groupe de travail et un rapport de décembre 2015, modifié en juillet 2018, détaille leurs premières conclusions. Ce document qui revient sur les enjeux apporte une définition commune de la biodiversité, formule des propositions et fournit une liste exhaustive d’initiatives concrètes pour passer à l’action. Il en ressort que la biodiversité doit être traitée avec le même niveau d’attention que la gestion de l’énergie, la réduction des émissions de C02, la gestion de l’eau avec une nécessaire différenciation selon les différentes phases de la vie d’un bâtiment – construction, exploitation, gestion, démolition – ou celles à l’échelle du bâtiment ou la ville.
De même chez Bouygues Construction, la prise de conscience a eu lieu : « Notre engagement en faveur de la biodiversité est l’un des piliers de notre politique Responsable & Engagé, explique Anaïs Duperron, chef de projet environnement. Cela passe par l’internalisation de nouvelles expertises, le développement de nouvelles offres ou encore la mise en place de partenariats avec des acteurs spécialisés. Nous transformons nos activités pour limiter nos impacts et réintroduire la nature en ville. »
Approche environnementale globale
Pour y parvenir le maître d’ouvrage ou l’aménageur qui souhaite la prendre en compte dans son projet ne peut se contenter de recourir à un paysagiste. Des experts tels des écologues doivent être intégrés dans l’équipe et ce, dès la définition du besoin immobilier pour impulser des recommandations sur la base d’une étude d’impacts. C’est important car cette problématique s’appréhende selon une approche environnementale globale avec quelques règles de base à respecter : par exemple, réaliser un inventaire de la faune et de la flore avant de commencer un projet. Ce diagnostic permet de mieux comprendre l’écologie du site et ses déséquilibres, et d’établir un plan d’action en posant les priorités. Par exemple, remettre l’eau en circulation. Une action simple qui réveille un écosystème en panne, en y apportant de l’oxygène. Mais il faut nécessairement aller plus loin avec ce que certains appellent « l’écologie » ou la « biodiversité volontaire » en créant des habitats écologiques pour la faune par exemple.
Cela bien sûr ne peut être réalisé sans des équipes formées, c’est peut-être la première des actions à mener. Car prendre en compte la biodiversité dans sa pratique quotidienne ne va pas de soi. Il faut accepter l’inattendu, laisser la nature travailler par elle-même sans intervenir mais en l’accompagnant. Pas simple pour les ingénieurs et techniciens des services techniques des villes qui ont la culture cartésienne du « propre » et qui sont parfois déstabilisés par les systèmes complexes imprévisibles. A ce niveau, le problème est moins scientifique que culturel.