La compétition continue d’être folle. Et même si j’ai toujours la tête en Bretagne avec ses filles en feu, je me réjouis d’avance. Aujourd’hui c’est Malick.
Pour que vous puissiez saisir pourquoi je vois les films en décalé certains jours, petit lexique cannois. Depuis 2 ans, la projection officielle de 19h vaut pour avant-première mondiale (là où avant on pouvait voir ce dit film dans la journée). Une partie de la presse le voit à quelques heures d’intervalle. De mon côté, je voulais le voir au Grand Théâtre Lumière. J’ai donc choisi de le placer dans mon planning le jour d’après à 11H30. Oui car maintenant, à cette séance, un quota de place est réservé pour la presse. Hyper pratique.
En attendant la projection, je croise l’équipe du Portrait de la jeune fille en feu arriver en conférence de presse. J’interpelle Adèle Haenel que je félicite pour son rôle et celui de sa partenaire. Elle me remercie et dit qu’elle transmettra. Toute l’équipe continue de porter la broche « 50/50 ». Adèle a même tatoué sur sa main « P.28 ». Céline Sciamma est détendue et répond avec passion aux sollicitations des journalistes. Le boulot est fait. Maintenant il va falloir attendre. Et puis quand bien même, si son film est absent du palmarès, elle a suffisamment marqué les esprits pour une sortie salle ultra attendue et donne déjà rendez-vous aux César.
Une vie cachée
Bon. Quittons la Bretagne et plongeons-nous en Autriche dans les années 40. On y croise Franz, heureux paysan qui vit en harmonie dans son village Radegund. Maris et père, il cultive son jardin. Alors que l’Allemagne d’Hitler commence à rassembler ses troupes, Franz va s’interroger sur la notion du bien, du mal, des injustices jusqu’à ce qu’il soit appelé à rejoindre les rangs… Il y a quelque chose de tout à fait fascinant dans le film de Malick. D’abord on a l’impression que ses précédents films servaient de brouillon à quelque chose de plus grand.
Avec Une vie cachée, il renoue avec la narration linéaire en s’appuyant sur une histoire vraie. Il en oublie pas pour autant son sens du cadre et de la mise en scène (voix off et grand angle). Les deux réunis forment le film de toute une vie. Le plus intime et le plus abouti de son réalisateur. Le plus bouleversant aussi. Et devant le drame qui se déroule sous nos yeux, on se questionne nous aussi sur nos croyances. Pas forcément en dieu mais sur nos valeurs. Faut-il mourir pour ses idées ? Vaut-il mieux être celui qui est victime d’injustice ou celui qui les fait subir ? Un acte isolé peut-il être la petite goutte d’eau qui fait changer les choses ? Moins bavard et plus concret, Malick offre à Cannes un immense moment de cinéma. Un film de cinéma qu’il ne faudra pas voir à la maison. Vers une présence au palmarès ? Sans doute vu à quel point les thèmes de prédilection du cinéaste sont proches de ceux d’Inarritu… Vue la compétition, il est aussi probable que le jury décerne un prix pour l’interprétation d’August Diehl. Un prix qui serait largement mérité mais ne récompenserait pas le duo d’acteurs (Valérie Pachner) qui porte le film sur leurs épaules.
Le Jeune Ahmed
Pour la première fois à Cannes, le temps n’est pas à la fête. Et finalement sortir d’un film profondément ému et ne pas voir un soleil éclatant à quelque chose de réconfortant. Le contraste était trop fort bien souvent.
Petit sandwich attrapé à la volée et me voilà repartie. Cette fois pour le Dardenne également en compétition officielle avec montée des marches officielles à 16H. Je dois dire que même si j’ai beaucoup d’admiration pour le cinéma des frères belges qui ont, plus d’une fois, secoué mon être, Le Jeune Ahmed m’aura totalement laissée de marbre. D’abord parce que le sujet n’est pas tant la radicalisation mais le retour vers la vie. J’aime beaucoup cet angle mais il aurait fallu être plus cassant car le film nage constamment entre deux eaux : Ahmed n’est pas un assassin mais un peu quand même puisqu’il veut tuer sa prof d’Arabe. Ahmed n’est plus un enfant mais un peu quand même parce qu’il a besoin d’une autorité parentale. Ahmed n’est ni gentil ni méchant. Ce qui fait qu’en tant que spectateur, on ne ressent jamais d’empathie pour le personnage. Même à la toute fin, très dérangeante d’un point de vue de la morale, où il demande pardon après un accident…
Le film ne provoque ni tension ni mal-aise tant le personnage est fade. Le film tourne même au film initiatique quand il rencontre une jeune fille dans la ferme où il travaille…Un peu léger pour la compétition. Un peu léger pour un Dardenne.
A la sortie de la projection, je tombe nez à nez avec Inarritu. Gentil. Souriant. Je lui tends mon exemplaire de The Revenant qu’il signe avec un grand sourire. Demain je tenterais de faire signer Léo Dicaprio.
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