Noyau d’olive

Publié le 21 mai 2019 par Adtraviata

Quatrième de couverture :

Erri De Luca fréquente la Bible depuis longtemps. Sa connaissance des Écritures ne doit pourtant rien à la foi ou à un quelconque sentiment religieux : De Luca se dit non croyant, incapable de prier ou de pardonner. Il est néanmoins habité par le texte biblique au point de commencer presque chaque journée par la lecture et la traduction d’un passage. Les courts textes rassemblés ici témoignent de ce corps-à-corps quotidien avec la Bible et de ces exercices matinaux qui lui donnent matière à réfléchir, comme un noyau d’olive qu’il retournerait dans la bouche tout au long de la journée.

Je ne savais pas qu’Erri De Luca traduit tous les matins un texte biblique auquel il se confronte et dont les enseignements « littéraux » (j’entends par là la traduction littérale de l’hébreu biblique) le nourrissent chaque jour :

« Lire les Saintes Écritures c’est obéir à une priorité de l’écoute. J’inaugure mes réveils par une poignée de vers, et le cours de la journée prend ainsi son fil initiateur. Je peux ensuite déraper le reste du temps au fil des vétilles de mes occupations. En attendant, j’ai retenu pour moi un acompte de mots durs, un noyau d’olive à retourner dans ma bouche.

Tant que, chaque jour, je peux rester ne fût-ce que sur une seule ligne de ces Écritures, j’arrive à ne pas me défaire de la surprise d’être vivant. » (p. 43)

La première partie du livre est consacrée au Christ , de l’annonce de sa naissance à sa résurrection et à son Ascension ; la seconde, plus longue, explore des passages plus ou moins célèbres de l’Ancien Testament, particulièrement dans les premiers livres de ce dernier (la Genèse, l’Exode, le Deutéronome ou le Livre des Nombres), certains personnages comme le roi David et quelques prophètes comme Isaïe, Jonas ou Jérémie.

Les Ecritures, avant d’être un texte mis par écrit, c’est d’abord et avant tout la Parole de Elohim (ou Yod, la première lettre du tétragramme YHVH, un autre nom de Dieu suivant les traditions bibliques) et Erri De Luca souligne combien cette Parole révélée a provoqué comme un séisme dans la langue hébraïque qui ne possède pas de voyelles, « une langue aux mots pauvres, hostile à tout concept abstrait » (p. 42), au point que de nombreuses phrases commencent par « Et Dieu dit » ou plutôt (toujours littéralement) « Et dit Dieu » tant la force du dire est primordiale pour ce Dieu qui intervient dans l’histoire humaine.

Les traductions littérales peuvent paraître rudes mais elles révèlent un sens auquel nous n’avons pas accès quand nous lisons une traduction plus élaborée, un sens qui interpelle dans le monde d’aujourd’hui, par rapport à certaines questions éthiques ou sociétales (tiens, tiens, Elohim serait-il féministe ?), un sens rafraîchissant. J’avais envie de noter des idées à chaque chapitre de ce petit livre passionnant.

Et pourtant, le savez-vous ? Je ne vous en parle qu’en fin de billet mais lui s’en explique dès l’introduction : Erri De Luca n’est pas croyant. Pas besoin donc d’être croyant pour apprécier son texte. Bien plus, ses explications sur la Bible sont d’autant plus percutantes, interpellantes et rejoignent certainement (du moins, à mon sens) le goût des Ecritures d’un croyant, d’une croyante ouverts d’esprit.

« Tout au long des Evangiles, nous lisons les jets d’un discours qui fut torrentiel. Une providence fait ressembler ces écrits à des citernes d’eau de pluie, qui retiennent du moins quelque chose selon leur capacité. Nous ignorons le timbre de sa voix et l’hébreu, l’araméen, ses langues, n’existent même plus.Et pourtant, les Evangiles ont suffi à ne pas faire oublier les paroles de celui qui ne voulut pas écrire ni laisser écrit. Celui qui n’a pas la foi ne se désaltère pas. Mais celui qui a la grâce de l’avoir est lié par un devoir énorme: donner de cette eau bue un témoignage tout au long de sa vie. Ce faisant, il remplit les pages que les Évangiles ont dû laisser vides. Ce faisant, il rapporte à la surface l’eau qui s’est perdue hors des citernes. » (p. 86-87)

Erri DE LUCA, Noyau d’olive, traduit de l’italien par Danièle Valin, Folio, 2006 (Gallimard, 2004)

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