L'éditorial de Daniel RIOT
Pas de photo de famille...Car les familles réunies restent trop... désunies. 43 pays, mais sept conflits ouverts !
En revanche, une belle série de clichés encourageants et d'images porteuses d'espérance de paix et de belles réalisations. En cela, le Sommet de Paris est un événement extrêmement positif. « Nous en avions rêvé. L'Union pour la Méditerranée est maintenant une réalité », s'est écrié Sarkozy.
A une nuance près : cette Union est loin de celle qui fut rêvée à l'Elysée (ce qui n''est pas un mal) et sa réalisation reste à concrétiser. Au Grand Palais, on a surtout poser des premières pierres de plusieurs grands chantiers. Au travail ! Il faudra même travailler plus pour espérer plus.
Le personnage central de ce sommet fut incontestablement Assad-le-Syrien. Qui a ouvert de belles perspectives pour le Liban et pour un accord(éventuel) avec Israël. Mais comme dit Angela Merkel qui a eu, elle aussi, un entretien avec le maître de Damas, « il faut attendre que les Syriens passent des paroles aux actes ». D'ailleurs, le Syrien a boycotté de discours de l'Israélien au Grand Palais. Long, long est encore le chemin... « De six mois à deux ans », a dit Assad, en jouant les optimistes.
L'un des acteurs les plus essentiels de ce Sommet fut le Premier ministre...turc. C'est par lui que le dialogue indirect entre Israël et la Syrie s'est développé au plus haut niveau. Assad et Olmer ont « communiqué » par l'intermédiaire de Recep Tayyip Erdogan.
Celui-ci est aussi celui qui peut regagner sa capitale avec le plus de satisfactions : Sarkozy l'a assuré de sa « loyauté » durant la présidence française sur le dossier de sa demande d'adhésion à l'Union et lui a garanti que l'Union pour la Méditerranée n'avait strictement rien à voir avec ce dossier. Des visites d'Etat au plus haut niveau pourraient même dans un prochain temps réchauffer les relations entre Paris et Ankara
L'image qui reflète le mieux ce sommet est sans doute celle qui montre Sarkozy entre le Premier ministre israélien Ehud Olmert et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Tous les trois sourient aux anges. Tous les trois sont persuadés que malgré les problèmes, les dissensions et les obstacles « jamais Israéliens et Palestiniens n'ont été aussi proches de la possibilité d'arriver à un accord ».
Mais la Haute Autorité est toujours en quête ...d'autorité, Olmer est sur un siège éjectable et Sarkozy a du être mis au courant de nouvelles qui ne sont en rien des sources d'espérance....
Pendant cette journée du 13 juillet qui marque le début d'une nouvelle ère de dialogues et de coopération autour de la Méditerranée l'Iran a essayé de nouveaux missiles, a réaffirmé sa volonté d'accéder à l'arme nucléaire et a menacé de rayer Israël de la carte en cas d'attaque préventive....Pas de miracle en vue. Proche-Orient, terre de mirages, même vue de Paris.
Sur l'UPM elle-même, peu ou plutôt pas de progrès dans cette rencontre parisienne. Les projets mis sur la table sont confirmés, mais sans moyens dégagés et au niveau des structures, seul la co-présidence du lancement est mise en place pour une durée indéterminée, avec Moubarak et Sarkozy aux commandes. Les « détails » (en l'occurrence les ambigüités essentielles encore à lever), seront réglés (peut-être) d'ici novembre.
Au bout du compte, c'est peut-être le très réaliste suédois Carl Bildt qui porte l'appréciation la plus conforme à la réalité : « Le monde ne va pas être changé en un jour. Cette réunion d'aujourd'hui est importante pour lancer une approche plus ambitieuse de l'Union européenne dans ses coopérations avec la région d'Afrique du Nord et de la Méditerranée. Mais il faudra d'autres réunions pour rendre cette UPM opérationnelle »
D'ailleurs, sur un plan politique, la déclaration finale de ce sommet des 43 ne comporte que des engagements plus formels que contraignants en faveur de la lutte contre la prolifération nucléaire et le terrorisme et en faveur du développement de la démocratie. Rien de « révolutionnaire ». Mais les graines d'un nouveau partenariat ont été semées. Et c'est l'essentiel.
Restons, comme Kouchner, très positifs : « Un rêve est en passe de se réaliser, celui d'un projet collectif de développement économique, de paix, de droit et de solidarité (...) Le temps est à l'espoir ». Rêvons et espérons. C'est le temps des feux d'artifice. Au moins, l'Union européenne effectue-t-elle un retour diplomatique digne de ce nom au Proche-Orient. En attendant la prochaine administration américaine...
Daniel RIOT
Le discours d'ouveture de Kouchner
Galerie photos
Sur le site de la présidence française
Les principaux points de l'acte de naissance de l'UPM
Voici les principaux points de la déclaration commune des 43 dirigeants présents au sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée destinée à "bâtir ensemble un avenir de paix et de démocratie", dans leur déclaration commune.Le passage sur le processus de paix israélo-palestinien a donné lieu à d'intenses tractations jusqu'à la clôture du sommet.
- armes de destruction massive: "Les parties s'emploient à établir, au Proche-Orient, une zone exempte d'armes de destruction massive, nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs, qui soit dotée d'un système de vérification mutuelle efficace".
Elles "s'abstiendront de développer une capacité militaire qui aille au-delà de leurs besoins légitimes de défense".
Les parties "favoriseront les conditions susceptibles de permettre l'établissement de relations de bon voisinage entre elles et soutiendront les processus visant la stabilité, la sécurité et la prospérité".
- démocratie et droits de l'homme: "Les chefs d'Etat et de gouvernement soulignent qu'ils sont déterminés à renforcer la démocratie et le pluralisme politique par le développement de la participation à la vie politique et l'adhésion à l'ensemble des droits de l'Homme et des libertés fondamentales".
- processus de paix israelo-palestinien: "Les chefs d'Etat ou de gouvernement réaffirment leur soutien au processus de paix israélo-palestinien, comme mentionné lors de la réunion ministérielle euro-méditerranéenne tenue à Lisbonne en novembre 2007, et conformément au processus d'Annapolis".
"Ils rappellent que la paix au Proche-Orient requiert une solution globale et se réjouissent, à ce égard, de l'annonce selon laquelle la Syrie et Israël ont engagé des pourparlers de paix indirects sous les auspices de la Turquie".
- terrorisme: Les parties "réaffirment leur condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, ainsi que leur détermination à l'éradiquer et à lutter contre ceux qui le soutiennent".
"Ils confirment qu'ils sont résolus à tout mettre en œuvre pour résoudre les conflits, mettre fin aux occupations, lutter contre l'oppression, réduire la pauvreté, promouvoir les droits de l'homme et la bonne gestion des affaires publiques, améliorer la compréhension interculturelle et garantir le respect de toutes les religions et croyances".
- processus de Barcelone: "Les chefs d'Etat et de gouvernement soulignent l'importance du rôle joué depuis 1995 par le processus de Barcelone, qui constitue l'instrument central des relations euro-méditerranéennes".
"Afin de tirer parti des possibilités offertes par un cadre renforcé de coopération multilatérale, les chefs d'Etat ou de gouvernement décident de lancer un partenariat renforcé - le processus de Barcelone, une Union pour la Méditerranée".
- les six "projets régionaux concrets":
L'UPM veut "traduire" ses objectifs en "projets régionaux concrets". Les participants ont donné la priorité à six de ces "initiatives clés".
- La dépollution de la Méditerranée : la Commission européenne a déjà présenté en mars des projets concrets qui visent à éliminer 80% des sources de pollution d'ici à 2020 et devraient coûter au moins 2 milliards d'euros.
- La construction d'autoroutes maritimes et terrestres pour améliorer la fluidité du commerce entre les deux rives de la Méditerranée.
- Le renforcement de la protection civile, d'autant plus importante que le bassin méditerranéen est exposé à un risque grandissant de catastrophes naturelles, lié au réchauffement climatique.
- La création d'un plan solaire méditerranéen.
- Le développement d'une université euroméditerranéenne, déjà inaugurée en juin à Portoroz (Slovénie).
- Une initiative pour aider au développement des PME
- l'organisation:
Les participants sont d'accord pour organiser un sommet tous les deux ans, alternativement dans l'UE et dans un des autres pays partenaires.
L'UPM bénéficiera d'une coprésidence, qui sera assurée au Sud pour deux ans non renouvelables par un pays choisi par consensus par les pays du Sud. Pour le Nord, les règles devront respecter les traités européens, mais les détails ont été reporté à novembre. L'Egypte et la France seront les deux premières coprésidentes.
Un secrétariat général sera chargé de lever les fonds et de mener à bien les projets choisis au cours des sommets. Mais le choix du lieu et les détails de fonctionnement de ce secrétariat ont été remis à novembre.
Ces nouvelles structures devraient être opérationnelles "avant la fin de 2008".
L'UPM pourra financer ses projets par diverses sources : participation du secteur privé, budget européen, contribution de tous les Etats participants ou d'autres pays tiers, Banque européenne d'investissement...
LA DECLARATION FINALE (pdf)