Nous sommes le dimanche 19 mai et c’est aujourd’hui que Céline Sciamma présente son nouveau film Portrait de la jeune en feu. Pour moi c’est ma première grosse attente du Festival. Mais l’heure n’est pas à Sciamma.
Pour commencer, direction Le lac aux oies sauvages. Le film de Diao Yi’nan a fait sensation la veille. Tout le monde le voyant comme un gros prétendant au Prix de la mise en scène. Ce polar chinois raconte l’histoire de Zhou Zenong, malfrat spécialisé dans le vol de motos au coeur d’un vrai système organisé. Le jour où tout tourne mal, sa tête est mise à prix. Il doit maintenant se cacher. Et organiser peu à peu la fin de sa cavale pour que sa femme puisse récupérer la prime. Sur le papier, clairement pas mon style de film. Et pourtant, le film m’a complètement emporté. Cette histoire de chasse à l’homme sur fond de zone de non droit chinoise est fascinante. Le film est une prouesse tant dans sa mise en scène que dans l’écriture. C’est beau. Poétique à souhait. Et dans la narration suffisamment fluide pour ne pas se perdre dans ce chassé croisé entre gangs rivaux et enquête policière. Une très belle surprise.
La séance était à peine terminée, il est l’heure d’aller se placer dans la fille du Portrait de la jeune fille en feu. Il y a du monde pour découvrir le nouveau film de Céline Sciamma. Autant parmi les invités que dans les VIP. Montée des marches à 16h mais tout le cinéma français s’était donné rendez-vous pour découvrir le 4ème long-métrage de la réalisatrice française. Sur le tapis, c’est une véritable bande de filles qui se présente. Et à l’issue de la projection, c’est bien un film de femmes. Et quel film ! Céline Sciamma nous présente un portrait intime sur la naissance de l’amour entre deux jeunes femmes. La première, artiste, libre de lire, d’aimer, de voyager, de peindre. L’autre, épouse promise habituée à ce que les carcans de son rang lui impose une ligne de conduite. La première doit faire le portrait de la seconde pour l’offrir au futur maris. A force de passer du temps ensemble, les deux vont se découvrir, s’apprécier et se désirer. Il y a plusieurs incroyables réussites dans ce film. La première, la façon dont la peinture va autant distancer que rapprocher les deux femmes. La deuxième, la tension sexuelle qui perfore l’écran dès la rencontre. Une tension qui monte monte monte et qu’on veut voir exploser. Le film explore toutes les émotions. On rit. On sourit. On se pince les lèvres tellement ce qui se passe est beau. La mise en scène incroyable. Et puis les frissons. Les larmes devant une dernière scène d’une puissance rare. Et puis des images qui résonnent. La page 28. Le feu. Adèle. Noémie. Céline Sciamma a rejoué La Vie d’Adèle. Sans Adèle. Avec Adèle. La pudeur en plus. La standing ovation qui a suivi était libératrice. Difficile de passer à autre chose. A ce stade, le film ferait une très belle palme. Un digne héritier de la Leçon de Piano. Ma palme. Le double prix d’interprétation féminin. Le César de la meilleure actrice et du meilleur espoir féminin.
Après ça, difficile de redescendre. Les jambes tremblent toujours. Je me retrouve à la Terrasse Presse pour le debrief. Tout le monde est retourné. Ca parle de palme. D’Adèle. De la révélation Noemie Merlant. Irréel. Tout le monde semble d’accord. Et même si je voudrais rester dans le film de Sciamma, il faut manger (le seul repas par jour qu’on a le temps de prendre ici à Cannes) et décider de la suite du programme. Deux choix s’offrent à moi : The Lighthouse à la Quinzaine, un film de genre avec Robert Pattinson. Cambre 212 à Un Certain Regard, film de Christophe Honoré avec Vincent Lacoste. Le choix se fera sur Honoré (parce que bon c’est Honoré quoi !). Et le choix s’avèrera être le bon puisque malgré des heures d’attente, la salle est pleine pour The Lighthouse. Et puis à Chambre 212, c’est séance en présence de l’équipe du film. Benjamin Biolay, Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste et Camille Cotin. Rien que ça.
Le film est un surprenant Honoré. Surprenant parce qu’il se rapproche d’un cinéma de vaudeville plus positif moins ancré dans la nostalgie. La nostalgie il y en aura puisque l’on va suivre l’histoire de Maria qui après 20 ans de mariage avec Richard, se demande si elle l’aime toujours. Vont alors ressortir littéralement les fantômes du passé. Lui, plus jeune, beau et charismatique sous les traits de Vincent Lacoste. Et puis une autre femme, la prof de piano que Richard a aimé adolescent. Ils vont se séduire. S’aimer. Se détester un peu. Et surtout se poser des questions sur le couple, la fidélité, la vie. Dans un enchantement très poétique mais très réel. A la limite du huit clos. Si bien que je me dis que la pièce aurait été géniale. Oui car le film manque d’un petit quelque chose pour s’envoler. Peut-être la faute à un ventre mou dans lequel on ne sait plus trop ce que veut nous dire Honoré. Je suis étonnée de ne pas avoir plus aimé ce film. D’abord parce que j’adore Honoré (et tout son casting) mais surtout parce que tout le monde semblait y avoir trouvé un souffle admirable. Il faudra sans doute le revoir après Cannes. Pas à 22H30. Pas après avoir vu un chef d’oeuvre.
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