La foule est là. Les gens vont et viennent. A peine sortie du train, je sens déjà l’atmosphère cannoise. Pas de temps à perdre. Direction le bureau des accréditations où même en tant que blogueuse, on m’accueille en « professionnelle ». On me donne mes accès wifi pour faire « mon travail ». Je signe un embargo pour ne rien dire avant la diffusion officielle des films. Récupère mon sac de festivalière. Mon programme avec les projections presse. La sensation est unique. Toujours au rendez-vous. Comme si pendant 1 semaine, je n’étais plus employée d’une agence parisienne mais journaliste au coeur du plus grand cinéma du monde. Fou.
Direction donc la première projection de la journée. Comme les critiques ne sont pas enthousiastes avec Little Joe, je file à Un Certain Regard, retrouver Bruno Dumont et son Joan of Arc. A l’entrée, on distribue des petits drapeaux aux couleurs du film (et de la Fleur de Lys). Le film est à l’image du cinéma de Dumont. Bizarre. Burlesque. Déconcertant. Autour de moi, les sièges claquent. Les gens partent. La faute à des acteurs amateurs qui récitent leur texte sans les incarner. La faute sans doute aussi à une BO de Christophe qui dans des envolées lyriques explorent les voix de Jeanne… Le tout ne me déplait pas. La mise en scène est sublime. Les paysages incroyables. Et le regard de Lise Leplat Prudhomme fascinant. Difficile d’échapper alors à la poésie de Dumont. Visuellement le film est captivant. Sur le fond en revanche, difficile de s’y retrouver. Des ellipses. L’histoire de France résumée à quelques dialogues. On ne sait plus trop où on en est. Jusqu’à la fin que l’on connait tragique. Un film étrange donc mais qui prouve que le cinéma français est riche. Et voir en 2019 un tel film en France a tout du miracle à l’heure des productions aseptisées.
Pas le temps de manger ni de trainer, Alice et le maire m’attend à la Quinzaine. Et même si je suis dans la file 1h30 avant le début du film, le monde est là. Il faut dire que la projection du matin a fait des émules et que tout le monde veut voir le nouveau film de Nicolas Pariser. Je rentre tout juste mais derrière mois de nombreux dessus qui n’auront pas la chance de voir le film. Porté par Fabrice Luchini et Anaïs Demostier, Alice et le maire raconte l’histoire de Paul Théraneau, maire de Lyon, qui ne sait plus réfléchir. Il s’entoure alors d’Alice, philosophe qui n’a pas sa langue dans sa poche pour l’aider à retrouver des idées. Le film est une petite pépite qui aborde sans s’y tromper le monde politique. Là où tout va vite, là où les marketeux ré-utilisent tous ce qu’ils ont appris à l’école. Une machine qui peut vous broyer en 5 minutes. Nicolas Pariser traite son sujet avec humour et bienveillance mais n’hésite pas à taper là où ça fait mal. Des juniors imbus d’eux-mêmes qui ont oublié l’essence même du vivre ensemble aux séniors qui pensent tout résoudre grâce à un travail acharné. Des enfants de la patrie devenus banquiers dans un monde à deux doigts de la catastrophe sociale et climatique. Des vies qu’on laisse de côté au profil d’une vocation. C’est brillant. Très bien écrit et superbement interprété. A commencer par Luchini qui prend de l’ampleur et qui ne fait pas du Luchini. Il est saisissant en maire à un tournent de sa carrière et de sa vie. Face à lui Anaïs Demostier ne fait pas que lui donner la réplique. Elle lui tient tête et là où les partenaires de Luchini ont tendance à paraître fade, elle est la lumière du film. Alice et le maire sort le 02 octobre et il y a fort à parier que vous en entendrez parler.
20h, il est l’heure de manger (pour la première fois de la journée). Et après un verre de vin apprécié en terrasse presse, toujours sous la pluie, il est l’heure d’assister à la première projection presse de la journée. Celle d’un film en compétition qui plus est : Les siffleurs. Le suspens des séances en Debussy avec le système de priorisation des badges me rappellent mes petits fails de 2018 et le doute de ne pas voir le film s’installe. Fort heureusement, ça passe en jaune. De justesse. Le film roumain de Corneliu Porumboiu raconte l’histoire d’un inspecteur de police de Bucarest corrompu par des trafiquants de drogue qui va se retrouver entre deux feux. Impossible de faire machine arrière, il doit avancer sur les deux fronts et apprendre un langage sifflé pour libérer un trafiquant. Le polar est assez malin dans son scénario et propose quelques scènes qui apportent vraiment quelque chose au genre. Gentiment décalé, ce chassé croisé sur fond de notion du bien est un film sympathique à regarder. Mais au delà de son idée originale (le langage sifflé) le tout est un peu tiède. Difficile de l’imaginer présent au palmarès…
Il est temps de rentrer. Demain c’est rendez-vous avec Le lac aux oies sauvages (vivement acclamé par la presse), Portrait de la Jeune fille en feu et Chambre 212.
L’article [ Cannes 2019 ] Le cinéma dans tous ses états est apparu en premier sur We Are Girlz.