TQS : des opportunistes aux aguets

Publié le 14 juillet 2008 par Hugo Jolly

Par Eberhardt

Comme la région de Québec représente, semble-t-il, un bassin propice au populisme médiatique, la maison de production Vélocité a proposé à TQS un projet d’émission matinal avec nul autre que Jeff Fillion comme animateur. Oui, oui, vous avez bien lu… Mais ce n’est pas tout! Devinez qui pourrait participer à cette pollution des ondes? Nul autre que la mascotte de service de l’Institut économique de Montréal, Nathalie la « mopette » Elgrably.

Vous dites en vous-même « non, non, non, c’est pas possible! » Mais oui, mais oui, mais oui! Dans un système économique où la loi de l’offre et la demande domine, l’absurde n’entre pas en ligne de compte. On a une clientèle de choix – ou plutôt de CHOI, devrais-je dire - pour un produit intellectuellement médiocre, on a les ingrédients de la même médiocrité – Fillion et la « mopette », alors pourquoi pas exploiter ce filon – et ce Fillion!

Ce qui est fascinant dans le système des médias populistes, c’est d’observer la capacité qu’ils ont de se trouver une clientèle ouverte à leur format idéologique, puis de la consolider jusqu’à ce que cette dernière légitime elle-même l’existence de sa propre source d’aliénation. En d’autres termes, les stations diffusent une forme idéologique représentative de leurs intérêts, trouvent preneurs, puis normalisent des idées et des valeurs, consolidant ainsi son idéologie chez des individus dont les intérêts n’ont rien à avoir avec ceux de la station. Bref, on leur rempli tellement la tête de merde, qu’ils en viennent à penser que cette merde n’en est pas et qu’elle leur est bénéfique. Certains se sont même déjà mobilisés pour continuer à en recevoir.

Mais ce n’est pas tout! Les individus qui servent de réceptacles à cette idéologie malodorante, qui se veut objectivement à l’encontre de leurs propres intérêts, en deviennent eux-mêmes les diffuseurs individuels (on en voit passer sur ce site…). On discute contre les syndicats, contre l’État trop à gauche (oui, pour eux Charest est de gauche), contre le Québec qui se veut le seul régime communiste en Amérique du Nord, on fait l’apologie du système social états-unien, de la vivacité économique de l’Alberta, on déplore le complot socialiste qui a mis au monde le protocole de Kyoto, et autres aberrations du genre… On ne s’interroge pas au-delà de ce qui est présenté par les médias : « c’est vrai, le gars l’a dit à la TV! »

Avec Fillion et la « mopette » du capital tous les matins à TQS, imaginez le paysage médiatique matinal de Québec. Au lever, on prend le petit déjeuner exposé à TQS : on commence le plein d’information prédigérée sauce néolibérale. Dans la voiture, on ouvre la radio : hmmm, quoi écouter? CHOI-FM avec Denis Gravel ou encore Sylvain Bouchard au FM 93? Pas CHIK en tout cas, ça ne dit pas « les vraies affaires ». C’est une question de goût, un peu comme choisir entre deux piquettes; Cochon mignon ou Notre vin maison? De la merde dans les deux cas, mais apprêtée au goût de chacun.

Dans un Québec où le paysage socioculturel se transforme rapidement, dans un monde où nous commençons à payer le prix de notre surconsommation, surproduction et surexploitation, les solutions aux maux de notre jeune siècle qui ne se présentent pas en continuité avec l’ordre établi et son fond idéologique continueront à être évacués du discours dominant. De par leur nature, les médias privés présentent une tendance à discréditer et à marginaliser toute alternative discordante. La voie suivie est celle de la société qui les a vu naître; celle qui leur permet les profits. Bien sûr, s’ils fonctionnent c’est grâce à une clientèle compatible à leur format idéologique. Mais ils consolident également, jour après jour, cette clientèle en s’assurant que leur champ de vision demeure à l’intérieur du mode de production et de consommation capitaliste. Les autres perspectives? C’est l’affaire des utopistes; aucuns liens avec la réalité. Oui, cette réalité étroite et fonctionnaliste qui se dégage de la société dite postindustrielle.

Donc, si nous revenons au projet d’émission « Jeff et sa mopette » et que celui-ci est retenu par Remstar, nous assisterons à un pas de plus dans la voie de la médiocrité de la qualité de l’information au profit de l’information-propagande néolibérale de l’Institut économique de Montréal, avec le retour en chair et en os d’un grand démagogue pour présenter le tout pour rapporter, encore une fois, beaucoup d’argent à ses patrons. En souhaitant que cette émission, si retenue par TQS, engendre par son absurdité un réveil de la population de la vieille capitale. On vit sous le règne de l’absurde, mais tout de même

(Un gros merci à Eberhardt)