« Je suis né quelque part : Où peut-on se sentir chez soi ? »Daniel Schreibertraduit de l’allemand par Alexandre Pateau, 23 janvier 2019Editions Autrement
Daniel Schreiber, né dans un village du Mecklembourgen ex-RDA,est journaliste et essayiste. Il a publié une biographie sur Susan Sonntag en 2014 et un essai, Le dernier verre :de l’alcool et du bonheur », traduit et publié aux Editions Autrement en novembre 2017. Un article de Vincente Duchel-Clergeau.
Dans cet essai,il analyse le sentiment du manque et le besoin de sécurité qu’il a ressentis lors d’un séjour à Londres, après une rupture amoureuse. Il cherche à en comprendre les raisons et c’est l’occasion de revisiter l’histoire familiale et de réfléchir à la notion de foyer et du « chez soi » sous différents angles, avec à l’arrière-plan, la question de savoir si cette quête du foyer a encore un sens à l’heure de la mondialisation. Après avoir vécu à New York, qui a été pour lui, un foyer déraciné au sein duquel il s’est installé, il a navigué entre Berlin et Londres. De retour à Berlin, une ville où il ne veut pas s’installer, il évoqueun sentiment d’attente de quelque chose, qui lui est familier et il en conclut qu’il mène une vie transitoire. Il habite la ville mais n’y vit pas. Le départ, la fuite ont toujours été les forces motrices de son existence, il s’est toujours voulu et senti citoyen du monde. Alors pourquoi ce besoin subit de sécurité ? Il lui faut remonter le cours du temps et dans les archives familiales.Quel est le poids du passé familial sur notre vie ? Son arrière-grand-mère, originaire de la région de la Volhynie (aujourd’hui en Ukraine, après avoir été rattachée à la Pologne, à l’Allemagne nazie et à l’Union soviétique), a subi trois exils au cours de sa vie. Est-ce cette insécurité qu’il ressent ? A-t-il été marqué par cette histoire ? L’essayiste nous fait partager ses interrogations sur de nombreux thèmes (l’histoire familiale, le rapport à la langue maternelle, l’acceptation de l’Autre, l’identité, etc..) en cherchant le sens de désir de sécurité. Sa réflexion est passionnante, parce qu’au-delà d’une expérience individuelle, il englobe des points de vue historique, sociologique,philosophique, anthropologique, psychanalytique. Il convoque Freud, Heidegger, Hannah Arendt, Didier Eribon, J.M Coetzee, Maggie Nelson, etc. et donne diverses définitions de la patrie, du foyer, du sentiment de sécurité. Sa quête lui rappelle les traumatismes qu’il a voulu oublier. Or, il s’aperçoit qu’il est difficile dese recréer soi-même, indépendamment de ses origines, de ses racines. IL faut donc affronter son passé. Citant Didier Eribon, il affirme que « les traces du monde au sein duquel nous avons grandi, se perpétuent dans notre vie adulte, même lorsque nous pensons en avoir fini avec notre passé. » Une fois affronté ce passé, est-il pour autant en sécurité ? Comment combler ce sentiment du manque ? Il reste des questions et des pistes à explorer.Où peut-on trouver ce foyer ? Ne serait-il pas finalement« un endroit en ce monde où nous pouvons enfin nous installer – et cet endroit sera toujours un lieu intérieur, un lieu que chacun doit créer par soi-même, pour soi-même. » Cet essai d’une grande richesse de réflexion amène le lecteur à s’interroger sur sa propre vie, et son parcours personnel. Est-il en attente de quelque chose ou se sent il en sécurité là où il vit ? Daniel Schreiber propose des pistes à explorer et donne envie de lire ou relire certains auteurs. A lire absolument ! Vincente Duchel-Clergeau