Magazine France
Je marchais sur le vague trottoir entre canal et cimetière lorsqu'au passage d'une petite automobile un craquement sinistre m'a fait frissonner. Mon regard s'est immédiatement porté sur la chaussée, où j'ai trouvé monsieur Maurille. C'est un de ces vieux rabougris que rien ne surprend plus. Écrabouillé par une voiture ? Boah, cinquième fois ce mois-ci. Nous avons devisé gaiement quelques minutes, après quoi il s'est endormi. Je l'ai posé là, à l'ombre, sur un cadre de fenêtre. On aperçoit un poussiéreux boudoir par les fissures de sa bicoque, c'est encombré de tableaux moisis, de photos sépias, de fleurs fanées depuis des siècles. Une sorte de bonheur insouciant se mêle à la torpeur de ce logis décrépit, une sagesse amusée, un clin d'œil entendu. Le marchand de sable a tant passé par là que toute une vie s'enterre derrière le calme rempart des jours dérobés.© Éric McComber