Otis Taylor à La Grande Ourse, Saint-Agathon, le 12 mai 2019
Après-midi dominicale blues à Saint-Agathon, La Grande Ourse a invité Otis Taylor.
Les derniers tickets se sont vendus peu avant l'heure du kick off , le costaud, aux yeux bleus, du Colorado ( né à Chicago) fait recette.
Ce n'est pas la première fois que tu croises la route de celui qu'une certaine presse a bombardé prophète du trance blues, il n'a jamais été qualifié d'amuseur public, mais en ce début de soirée, il nous est apparu singulièrement courroucé.
Il se présente sur scène, d'un pas nonchalant, avec une dizaine de minutes de retard, flanqué de Nick Amodeo : basse/ Anthony Byron Cage : batterie et Kit Massey : violon.
Un salut timide, bonswar, de sa voix de baryton et d'emblée un avertissement, no flashes, s v p, t'as compris, Agathon, no flashes.
Le message a été enregistré, personne n'a actionné le flash de son petit Kodak.
Il démarre la représentation par ' Nasty letter' , un titre de 2003 que tu peux entendre sur l'album 'Truth is not fiction', depuis il a pondu une dizaine d'autres plaques, la dernière Fantasizing About Being Black en 2017.
La voix est traînante, le phrasé narratif, le violon ajoute une note plaintive à ce country blues aux relents psychédéliques, le morceau gagne en puissance lorsque Byron entre en action.
S'il sonne comme Richie Havens, le mec et son éternelle casquette vissée sur le crâne, se montre franchement plus agressif.
Pour suivre, il soumet un swamp blues dans la lignée Tony Joe White, "Heart is a Muscle Used for the Blues.", puis les choses se gâtent, il pointe un doigt dans ta direction, you, I said no flash, quoi, flash, personne n'a utilisé de flash, baby.... c'est le petit led rouge de la mise au point qui l'importune.
Ok, on range le jouet, il amorce une nouveauté, l'Afro blues ' Jump to Mexico' permettant la mise en évidence du violon, qui nous rappelle au souvenir de Papa John Creach.
Kit, kid, joue leur un petit air celte, je ramasse le banjo.
Il s'agit d'un banjo électrique qu'il utilise pour un de ses chevaux de bataille, un pamphlet politico/social, le formidable 'Ten million slaves'.
Nick, à toi, improvise, je reprends une guitare. Sans sourire, I feel kind of wild, SAUVAGE, got it, bordel, toi, là-bas, à droite, ce point vermillon m'énerve, allez, c'est fini, plus aucune photo ou je me tire, c'est clair!
T'as souri, il n'a rien vu, heureusement...
Un sanguin, Otis!
C'est parti pour le standard ' Hey Joe', qui convient bien après l'incartade qui a précédé, bon, Joe, c'est sa nana qu'il a flinguée, et puis le Mexique, c'est pas la porte à côté.
Pour la petite histoire la version Taylor fait douze minutes!
Quelques consignes aux acolytes, le violon attaque une gigue après avoir fait un signe à la table que le maître n'est pas ravi du rendu sonore.
Pas évident de bouloter avec Mr Taylor, il a sorti un harmonica de sa veste en jeans et entame la berceuse ' Hush, little baby' ( tu sais avec les lyrics que Carly Simon et James Taylor ont repris dans 'Mockingbird') en mode shuffle.
Il décide d'aller se dégourdir les jambes, vient énumérer le nombre de spectateurs, laisse au passage un mot doux à la table, exige de l'aide de la part du public, beaucoup trop mou à son goût, avant de remonter sur le podium et de disparaître.
Misère, t'aurais pas voulu de ce gars comme maître d'école.
Le violon et la basse s'éclipsent à leur tour, Byron est désormais maître à bord il en profite pour placer un solo technico-dynamique pas con.
Retour du rigolo, échange de vue avec le batteur, comme s'ils étaient au café des sports, avant d'amorcer 'Ran so hard the sun went down', un blues prophétique méritant le label trance blues.
Après un final abrupt, c'est le politiquement engagé ' My soul's in Louisiana' qui est lâché.
Il nous en reste une, vous vous levez, je joue mieux quand les gens s'approchent de la scène, debout, exécution!
Il termine le show par un boogie instrumental bien crasseux pour lequel il manie la slide, assagi il confie sa gratte à une gamine qui a l'honneur de pincer les cordes.
Au revoir, la Bretagne!
En rappel, car c'était service minimum ce dimanche, il balance la ballade philosophique 'Live your life', puis il est reparti en traînant les savates avec la satisfaction du devoir accompli