Je ne commencerai pas la rédaction de cet article par ma rengaine habituelle sur mon rapport délicat avec la poésie. Je viens de terminer la lecture du recueil de poésie d’une jeune auteure congolaise de 23 ans, talentueuse, Euloria Moyo...
Elle est précoce. Surtout quand il s’agit de poésie, genre complexe et exigeant. Et le texte qu'elle propose est très engageant dès les premières pages. Il est décomposé en 5 livres traitant de thèmes très différents : Souvenirs. Là-haut. Femmes. Pour un homme qui se reconnaîtra. Moi. Prenons Souvenirs par exemple. Euloria Moyo y convoque une mémoire des afro-descendants dispersés. Dans toute la violence qui caractérise celle-ci. Chaînes. Fers. Esclavage. Traite.« Je suis la vie et la mortLorsque ton pouce se lève et se tordJe suis le corps que tu domptes sans effortLes plaisirs assassins de tes baisers puritainsMeurtrier de mes reinsJe suis ce que tu ne veux pas être… »
p.11, Euloria Moyo, La dépression de Christ de Bacongo
- En 1991, la ville de Loubomo a été rebaptisé Dolisie pendant la conférence nationale.
- En 2006, une grande statue et un mausolée ont été bâtis à Brazzaville en hommage à Pierre Savorgnan de Brazza.
« Petit bois d’ébène, savamment tailléLes fétiches te font peur aujourd’huiLes statuettes adorées de tes ainésAînés que tu accuses de sorcellerieN’as tu pas honte, quelle trahisonRegarde-toi dans cette cathédraleTu parles latin à présentTu penses faire le bien, je te le dis c’est le mal »p.25, La dépression du Christ de Bacongo
La plupart des poèmes de ce livre « Là-haut » datent de novembre et décembre 2017. En rencontre avec l’auteur, il serait intéressant de comprendre ce qui s’est passé dans l’univers d’Euloria Moyo à cette période. Mais, ces questions sont intéressantes. Dans le fond, Moyo met des mots sur un va-et-vient constant entre les croyances locales et les croyances dites « importées ». Cette tension est de mon point de vue logique quand on aborde le passé sanglant auquel les peuples africaines ont dû faire face et survivre. Mais, il me semble que la jeune poétesse congolaise ne sombre pas dans la facilité et ne cède pas à un manichéisme structurel.
J’ai néanmoins une très grosse réserve sur l’épilogue proposé par Euloria Moyo. Même si je pense cerner son intention qui souligne le dévoiement d’un christianisme par les occidentaux. Et son ingestion sans réserve par les autochtones. Et une inversion de rôles supposées. Dominants / Dominés. Premiers / Derniers. Rien que la référence au texte biblique de Romains 1:18-31 est délicate si on en fait une exégèse correcte. De plus, l’épilogue est sensé expliquer plusieurs textes poétiques qui parfois sont une pulsion lointaine et dans d’autres circonstances s’inscrivent dans la logique d’un discours de re-appropriation de ce christianisme.
Euloria Moyo, La dépression du Christ de BacongoEditions L’Harmattan, coll. Afrique poésie. 76 pagesEcoutez la jeune poétesse Euloria Moyo