Six pieds sous terre

Publié le 14 juillet 2008 par Chondre

Mon éducation a toujours été associée à la religion catholique. Certainement plus par tradition que par conviction. Nous nous rendions joyeusement à la messe le dimanche matin et j’allais rejoindre mes amis au catéchisme le jeudi en fin d’après-midi. Ma grand-mère m’envoyait même au couvent tous les mercredis. Sœur Thérèse Monique (oui oui, cela ne s’invente pas) s’occupait de moi. Nous nous rendions souvent dans la grande bibliothèque et prenions un gros livre au hasard. J’ai ainsi beaucoup voyagé, parcouru l’univers, rencontré des personnalités hors du commun et beaucoup appris, juste en tournant les pages fragiles de ces vieux livres humides. Je sens encore l’odeur du cuir des couvertures. Je me souviens de longues retraites et de pèlerinages. Je me souviens également d’un petit ange tronc en bois peint. Lorsqu’on y déposait une pièce, l’ange hochait la tête, remerciant ainsi le généreux donateur. Un peu plus tard, j’ai naturellement rejoint les bancs d’une école catholique, et cela jusqu’au baccalauréat, en passant par les cases confirmation et profession de foi (j’étais véritablement ravissant, aérien et virginal en aube blanche amidonnée).

J’ai rapidement viré ma cuti (rien a voir avec mon tropisme pour la quequette). Je n’ai jamais renié le catholicisme, considérant simplement la religion comme faisant partie de ma culture, sans plus. Je suis maintenant désabusé et persuadé, cela depuis de longues années, qu’il n’existe pas grand-chose, ni avant la naissance, ni après le décès d’un individu. Les muscles se raidissent, les tuyaux se vident, les cellules se déconnectent, les chairs pourrissent, sèchent et s’éparpillent. Paradis, âme, tout ça tout ça, poudre de perlimpinpin, j’ai quitté depuis longtemps l’âge de cristal. Tu es poussière et tu retourneras poussière. Peut-être la seule vérité apprise au caté. J’adorerais être encore croyant. Je me souviens encore d’une amie très pieuse de ma grand-mère que j’avais emmené en Israël pour visiter les lieux sains. Elle avait alors près de quatre-vingt-dix balais, mais gambadait comme une petite fille, les yeux pleins d’étoiles. Dingue. Le petit Jésus était né à tel endroit, il avait parcouru la via Dolorosa et avait été crucifié ici. Rhalala le mont des oliviers, la mer morte. Elle n’avait pas peur de claquer. Elle savait qu’elle allait retrouver des proches au paradis. Elle était sereine et pleine d’espoir au crépuscule de sa vie. La classe.

Cela fait quelques années que la mort fait partie de ma vie. Je me suis réveillé un matin en prenant conscience que je n’étais pas immortel. Avant, je n’y pensais pas. Je prenais mon temps. La jouvence m’hypnotisait et je ne me projetais pas plus loin que le bout de mon nez. je sais maintenant que je vais mourir et j’y pense souvent, bien trop souvent, le temps filant dangereusement comme du sable dans ma main. Snooze ne comprend pas pourquoi je m’abrutis le soir avant de me coucher devant certains programmes télévisés ou pourquoi je ne peux m’endormir sans mon iPod. Tout simplement parce que je ne peux m’empêcher de penser à la disparition de mes proches, à la maladie, à la souffrance ou a ma propre mort. Je pense au cancer que je développe. Je pense au possible accident vasculaire cérébral de Snooze. Je pense également à ma grand-mère dont les heures sont maintenant comptées. Chaque fois que j’ai la chance de passer du temps en sa compagnie, je me transforme en vampire. J’aspire tout ce que je peux. Sa voix, la douceur de sa peau, son regard, son parfum, son sourire quand je m’approche pour l’embrasser. J’y pense chaque fois que je sombre dans les bras de Morphée. Me vider le cerveau est donc une nécessité, sous peine de passer une vilaine nuit blanche et me transformer en zombie verdâtre le lendemain matin.

Je m’amuse également à faire hurler Snooze en lui disant qu’un jour il me trouvera tout raide, froid, un filet de bave au bord des lèvres, dégageant une odeur de l’espace et plus trop étanche, un matin dans notre lit conjugal. Il ne trouve vraiment pas ça très drôle, et pas simplement parce que mes fluides corporels niqueraient le matelas. La nature fait heureusement bien les choses. Tout comme l’infini, la mort n’est pas quantifiable. Nul ne peut donc l’imaginer. On devient vite amnésique en reprenant la route de son propre quotidien, des joies, ses emmerdes, ses réussites ou ses échecs. La vie reprend le dessus. Elle est vraiment belle même si certainement trop courte. Quant à mon virage de cuti, c’est certainement une bénédiction. Même si dieu est amour, ses représentants ne sont toujours pas prêts à accueillir les suceurs de bite(s) au sein de leurs paroisses.

Et si l’enfer n’était qu’une gigantesque partouze gorgée d’Apollon chauds comme la braise?

Impossible.

Cela existe déjà. Cela s’appelle l’île de la tentation et c’est diffusé chaque été sur TF1.