Dans la vie de parent d'un enfant autiste, vient des moments où il faut se débattre. C'est certainement le même combat pour tous les parents d'enfants qui ont des besoins particuliers. Dans le système scolaire, des décisions arbitraires sont prises au détriment du bien-être de nos enfants qui ont besoin de stabilité. Nous avons souvent l'impression que nos enfants sont des citoyens de second ordre tant les décisions et les ressources ne sont pas alignées avec leurs besoins.
Récemment, la Commission scolaire des Patriotes a pris une décision qui aura un impact majeur sur la vie de mon fils autiste de neuf ans et sur tous ses petits camarades de classe : ils devront changer d'école, dans une autre ville. L'univers fragile de ces enfants, pour qui leur école était leur univers, s'écroule devant des décisions bureaucratiques dénuées de sensibilités face à leurs besoins.
Il est temps que des explications soient rendues publiquement. On ne peut pas continuer de malmener ainsi nos enfants. Voici la lettre que j'ai acheminée à la Commission scolaire, au ministre de l'éducation et aux médias. Je vous remercie d'avance de partager au plus grand nombre.
LETTRE OUVERTE : Pour accueillir un nombre accru de nouveaux élèves des classes régulières à St-Bruno, la Commission scolaire des Patriotes « déménage » les enfants TSA dans une autre ville
Le 17 avril dernier, tous les parents d’enfants à besoins particuliers ont reçu une lettre imprécise de l’école De Montarville pour les informer que la Commission scolaire des Patriotes allait bonifier le nombre de classes en enseignement spécialisé. La bonne nouvelle en cachait toutefois une moins bonne : les enfants des classes TSA (Trouble du spectre de l’autisme) et tous les autres qui bénéficient d’un service d’enseignement particulier devront changer d’école. Or, aucune information spécifique n’a alors été fournie sur le sort de notre fils.
Pendant deux semaines, ce fût le suspens. Ce n’est que le 29 avril que la directrice de l’école De Montarville, Mme Caroline Brunelle, a pu confirmer que notre fils changera d’école et de ville en septembre prochain. Il sera relocalisé à l’école La Chanterelle à St-Basile-le-Grand. L’explication est vague : semble-t-il qu’il y a trop d’élèves des classes régulières dans les écoles de St-Bruno et, pour leur faire de la place, on a fait le choix de changer d’école les enfants TSA et tous les autres ayant des besoins particuliers. L’école de mon fils sera ainsi vidée de tous les enfants TSA qui y évoluent depuis leur première année.
Ces enfants, qui sont parmi les plus vulnérables au changement, vivront ainsi leur deuxième changement d’école depuis la maternelle. Pour certains, ce sera peut-être un troisième ou un quatrième changement d’école. À l’époque où mon fils a commencé le primaire, il n’y avait pas de maternelle pour enfants TSA à St-Bruno.
Avec cette décision, nous sommes d’avis que la Commission scolaire va mettre en péril la réussite scolaire de ces enfants en brisant leurs liens d'attachement et leurs habitudes de vie, en les obligeant à s’adapter à un nouveau milieu. Les enfants autistes sont parmi les plus fragiles à cet égard. De plus, en les transférant dans la ville voisine, nous devrons utiliser le transport scolaire et le service de garde, ce que nous avions éliminé de l'horaire de notre fils, puisque cela contribuait à augmenter sa charge cognitive en allongeant sa journée.
Nous avions pris des moyens - en faisant même des choix professionnels plus adaptés - pour être en mesure de rester disponibles toutes les fois que l’école ou le service de garde n’était plus en mesure de s’occuper de notre enfant. La proximité de l’école nous aidait énormément à concilier travail et famille, surtout en périodes de crises au quotidien.
Pour ajouter à cette décision que nous considérons irresponsable, l’amateurisme de la stratégie de communication de la CSP a fait en sorte que notre fils a appris la nouvelle par la bouche d’un petit camarade de classe, avant même que nous ayons pu convenir d’une stratégie pour lui annoncer la nouvelle.
«Ça me stresse, maman »
Une nouvelle qui, de son propre aveu, stresse notre fils et augmente son niveau d’anxiété, car il sait qu’elle viendra changer sa vie.
Il faut savoir que l’un des besoins des enfants autistes est la stabilité et la prévisibilité. Ces enfants sont particulièrement sujets à l’anxiété et une grande partie de leurs comportements jugés « difficiles » sont précisément déclenchés par l’anxiété. Depuis qu’il a appris la nouvelle, il a de la difficulté à dormir. Il veut savoir s’il aura la même enseignante et il a déjà de la peine à l’idée de la perdre. Il était fier de son école, l’école De Montarville. Il se demande si ses amis se retrouveront dans la même classe que lui. Il veut savoir si la nouvelle école aura les mêmes règlements que l’ancienne et s’il y aura des modules de jeu. Par ses questions, la Commission scolaire des Patriotes a bousculé son univers. Et, puisqu’il n’y a pas eu de stratégie de communication qui tient compte de la dimension humaine, ses questions et insécurités sont nombreuses.
Il faut savoir que, de la première à la troisième année, nous avons vécu des débuts d’année scolaire très pénibles, car notre fils avait peine à se réadapter à l’école à la fin de chaque été. Ainsi, chaque année, il a perdu de trois à quatre mois de scolarisation, puisqu’il ne réussissait pas à s’adapter à la rentrée scolaire. Même scénario année après année - malgré des enseignantes spécialisées - au bout de trois à quatre semaines, il était complètement désorganisé et il fallait faire un plan d’intervention d’urgence. Cette année, il a aussi été en forte réaction, car il a eu une nouvelle enseignante. Nous commencions à voir des améliorations de fond grâce à l’aide des intervenantes du CRDI, notamment, mais aussi de l’enseignante. Tous nos efforts et tous ceux de mon fils, seront-ils anéantis par cette décision?
La Commission scolaire des Patriotes peut-elle expliquer le cheminement de sa décision sur la place publique? Pourquoi n’a-t-elle pas développé une stratégie qui aurait permis de laisser ce petit groupe d’élèves terminer leur primaire à l’école De Montarville et leur éviter un changement de trop? Nous demandons aussi que la Commission scolaire des Patriotes explique son raisonnement quant au regroupement de classes spécialisées dans une ville voisine. Ne devrions-nous pas privilégier la proximité de ces élèves avec leur milieu de vie? Ces enfants n’ont-ils pas droit à la stabilité? Ce droit ne devrait-il pas être privilégié, puisque leur réussite scolaire en dépend?
Au final, comment peut-on prétendre vouloir le bien de ces enfants lorsqu’on prend une telle décision? Nous sommes immensément déçus et fâchés par la décision de la Commission scolaire des Patriotes et par le déploiement insensible de cette nouvelle auprès des parents et des enfants.
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