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Le Musée Franck A. Perret devient Mémorial de la catastrophe de 1902

Publié le 12 mai 2019 par Aicasc @aica_sc

Le 8 mai 1902, une explosion violente laissait  s’échapper de la Montagne Pelée une nuée ardente qui allait s’abattre sur la ville de St Pierre, tuant tout être vivant sur son passage. En quelques instants, le souffle, la chaleur et les projections de roches ont transformé la ville dans un immense champ de ruines.

Quelques années plus tard, en 1933, un petit musée réunissait des vestiges de la ville et de la catastrophe.

Quand je suis arrivée en Martinique au début des années 90, je travaillais en tant que guide. L’île recevait alors une grande quantité de croisières ; et le tour de Martinique le plus vendu sur les paquebots  était le Nord-Caraïbes, dont le but était la visite de la ville de St-Pierre et de son musée volcanologique.

En un peu plus de 2 ans, j’ai donc surement visité le musée Frank Perret plus d’une centaine de fois. L’intérieur du bâtiment était tapissé de photos de la montagne, ou de la ville peu de temps avant ou peu de temps après la catastrophe. Dans cet espace minuscule, l’impressionnante cloche de la cathédrale fondue par la chaleur, des objets de la vie quotidienne déformés, mais aussi des ossements lugubres, disputaient à un guide conférencier bilingue l’attention des touristes.

Le Musée Franck A. Perret devient Mémorial de la catastrophe de 1902

L’extérieur du musée, le plus ancien de l’île, avait été entièrement rénové en 1969, puis  l’intérieur a été retravaillé en 1988, en fonction du projet St Pierre ville d’art et d’histoire, qui a abouti à la labélisation de la ville en 1990.

Le déclin du tourisme depuis la fin des années 90, a laissé le musée et l’ensemble des ruines de St Pierre quasiment à l’abandon. En 2018, la municipalité a lancé un appel à projets pour rénovation et délégation de gestion du musée. Seul concurrent, la Fondation Clément, a présenté, via une filiale créée à cet effet, la Culturabam, un projet de 1,5 millions de travaux. Le temps de finaliser toutes les phases de l’attribution, il n’est resté que 4 mois pour la réalisation des travaux sur le bâtiment, l’entour et les collections, afin de faire de l’ancien Frank Perret vétuste et étriqué, un musée moderne et attirant, mais aussi  un mémorial de la catastrophe.

Pari gagné. Architecte, muséographe, scénographe, éclairagiste, équipe scientifique, équipes techniques,  chefs de projet tous ont travaillé d’arrache-pied pour nous livrer le 7 mai au soir ce bel  objet qui est le musée, mais aussi cette lecture nouvelle de la catastrophe, centrée sur l’aspect mémorial, et donc sur l’humain, même lorsqu’il s’agit de mettre en valeur les collections du musée. On est bluffés et reconnaissants.

Le Musée Franck A. Perret devient Mémorial de la catastrophe de 1902

J’aime le parti pris de simplicité de la rénovation qui a permis de conserver les lignes très pures du bâtiment moderniste. Mais aussi la galerie vitrée qui facilite la circulation et offre par transparence la possibilité de prendre contact avec le musée depuis l’extérieur. J’aime beaucoup également l’illumination subtile du bâtiment, des palmiers et de la rambarde, qui rend l’entour à la fois fantomatique et accueillant. Si l’esplanade jouit naturellement d’une vue merveilleuse sur la baie et sur un des ensembles les plus beaux des ruines de St Pierre, on profitera sans doute mieux de la vue grâce à la présence discrète et rassurante de la nouvelle rambarde, mais aussi grâce au nettoyage des ruines, qui dernièrement étaient encombrées de saletés. Enfin, avoir inclus le traitement de l’entour dans le projet  a permis de redonner vie et visibilité à la fontaine auparavant asséchée et qu’on arrivait à oublier au milieu des étals de marchandises qui occupaient cette partie de l’esplanade.

Il faut souligner aussi la justesse du choix du bois brûlé pour le revêtement des murs, qui renvoie à la catastrophe par son aspect brut et sobre, tout en gardant  les  délicates variations de teinte du matériau naturel.

Le Musée Franck A. Perret devient Mémorial de la catastrophe de 1902

ESplanade du musée et fontaine renovée

Je ne voulais pas faire de spoiler de l’intérieur du musée, car sa découverte a été pour moi, un des plaisirs de la visite. Mais je dois dire que le choix des textes de l’audio-guide est une réussite. Des extraits de témoignages d’époque, avant ou après la catastrophe par ceux qui l’ont vécue, lus par des acteurs, sont saisissants et conduisent le visiteur dans le mémorial.

Il faut aussi saluer le travail de recherche de l’association AMARISFA à l’œuvre sur l’histoire et la généalogie qui a pu établir une liste nominative de 7045 victimes de la catastrophe. Retrouver cette liste au musée est un rappel nécessaire de  l’incommensurable perte humaine engendrée par l’éruption de 1902.

Les guides touristiques disent toujours que toute la population de St Pierre, soit 28 mille habitants aurait péri lors de l’éruption, excepté le légendaire Cyparis. Aujourd’hui ce chiffre est contesté ; le recensement des habitants en 1901 aurait en effet  été surestimé et il est quasiment impossible de savoir combien ont pu fuir la ville les jours précédant l’éruption. L’incertitude n’enlève rien à la réalité et l’immensité de la tragédie.    Son étendue est palpable dans les collections du musée. Celles-ci, récemment agrandies par une mise en dépôt du Ministère de la Culture, regroupent des objets quotidiens, religieux ou laïques, tous portant la marque de la catastrophe, et chargés pourtant d’une valeur émotionnelle et esthétique puissante.

Le Musée Franck A. Perret devient Mémorial de la catastrophe de 1902

Verre à pied
Collection Musée Franck Perret – St Pierre – Martinique

En raison de la délégation, la fondation Culturabam restera responsable de la gestion du musée pour les 7 années à venir. Cette gestion a d’ailleurs débuté par une invitation à la population : visiter gracieusement le Musée tout le mois de mai. Je vous le recommande. C’est une visite émouvante et qui permet de renouer avec l’histoire et la mémoire du territoire.

Matilde dos Santos


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