L'entrée en bourse d'Uber a été décevante. Le Financial Times se demande combien de temps encore le marché permettra à Uber d'être déficitaire. Et si on était à la fin d'une époque ?
Uber n'est pas qu'une entreprise, c'est un humanisme. L'idée a émergé, un peu partout, que la société idéale était une société d'individus, c'est à dire une société "atomisée", sans liens sociaux (donc pas une société au sens des sciences humaines). Le 68 français n'a pas été la seule expression de cette aspiration. D'autres ont pensé que le marché était le moyen de réaliser leurs désirs. Le marché était la force qui permettait à cette société d'individus d'exister. Pas besoin d'Etat et de services publics, qui volent l'entrepreneur pour nourrir le paresseux.
Uber était cette vision faite entreprise. En remplaçant le salariat par l'entrepreneuriat, il faisait exploser le tissu social. Mais, en se dispensant de prélèvements sociaux, peut être aussi en profitant d'un excès d'offre de taxis par rapport à la demande, il devait gagner beaucoup. Et, un jour, il serait en position de monopole. Il pourrait prélever une rente colossale. C'était un pari. Mais il arrivait au bon moment. Il y a énormément d'argent qui cherche des rendements énormes. Uber a été le modèle d'une nouvelle génération d'entreprises. Ce que les Allemands appellent "capitalisme de plates-formes". Et il a même séduit la gauche, du moins son élite. C'était une autre façon de faire 68 ? D'autant cette société nouvelle reconnaissait les talents des intellectuels, et les payait très cher. Divine surprise.
L'utopie d'une société atomisée aurait-elle été rattrapée par la réalité ?