Un peu de retard pour cette chronique, même si j'en avais parlé sur les réseaux.
> Remarqué par ses superbes planches ou couvertures chez Marvel (Thor, Silver Surfer, Loki, Secret Wars, Avengers...), Esad Ridbic ravit nos mirettes avec sa première mini série indépendante paru en mars. En VO ou en VF, c'est à un feu d'artifice visuel dans la grande tradition des meilleurs récits SF auquel les lecteurs sont conviés, mais pas que...
Un futur plus ou moins proche. Tandis qu'un "protectorat" riche et tout puissant vit en orbite dans une station reliée à ce qui reste de la terre habitable (quelques blocs « forêt » en gravitation), par un ascenseur ultra protégée, le reste de la société humaine se régale de combats armés para militaires en direct sur grand écran, au rythme des messages publicitaires sponsorisés. Le lieutenant Satta Flynn est un héros populaire, ayant gagné de nombreux combats. Aujourd'hui, malgré sa grave blessure à la jambe gauche, il reste haut dans les sondages et compte revenir dans la course. C'est toute sa vie, et il le doit à ses coéquipiers. Cependant, le protectorat, souhaitant protéger ses intérêts économiques et d'influence, ne voit pas d'un bon œil cette entorse à la logique froide des paris. Et si on tâchait de falsifier l'issu du nouveau combat ? ...
D'entré de jeu, Ivan Brandon et ses deux collègues, à 100 % imbriqués artistiquement dans le récit donnent le ton : ce « VS » (« contre », en latin), sera ambitieux, magnifique graphiquement, et nerveux. Il se dégage de cette histoire des réminiscences de grands auteurs de science-fiction, qui sont d'ailleurs cités en avant propos : Phillip K Dick et William Gibson. On pensera aussi fortement à des auteurs hexagonaux, en citant « Exterminateur 17 » et « La Foire aux immortels » de Dionnet et Bilal. Si l'ambiance de ces stations orbitales High tech ramène davantage à des récits modernes de comics tels « Rai » (éditions Bliss), ces références françaises sautent aux yeux du point de vue sociétal, avec les thématiques du pouvoir retranché, tirant les ficelles, du jeu, soupape pour le peuple, et des sociétés privées vantant le mérite de produits de grande consommation via écrans et messages discontinus interposés.
L'histoire ce ce lieutenant qui aurait pu rester une simple légende, mais qui revient au devant, aidé par certains de ces propres adversaires, parce qu'il a finalement une ligne de conduite, possède un pouvoir d'attraction certain, et ces scènes de combat suivies en direct possèdent une attraction folle. Le rythme du récit, intercalé de flash back et des messages de publicité insérés soit au sein des planches, soit en pleine page à la fin de chaque chapitre, contribue aussi à l'accroche scénaristique.
C'est cependant, sans aucun doute le dessin d'Esad Ribic, largement remarqué ces dix dernières années et devenu rapidement un des chouchous des amateurs de comics, qui fait la différence. Cela sans oublier bien entendu la colorisation exceptionnelle de Nicolas Klein, sans laquelle le dessin de Ribic ne posséderait pas autant de pouvoir hypnotique.
Un album incontournable pour tous amateur de bonne science-fiction, et un des comics alternatifs les plus indispensables de l'année 2018-2019.
FG
« VS : ligne de front » par Ivan Brandon, Esad Ribic et Nic Klein
Éditions Panini comics (19 €) - ISBN : 978-2-8094-7716-0