Ce gilet jaune, un cuisinier au chômage de 49 ans avait été interpellé peu après la commission de l’infraction. Devant le tribunal, l’homme et son avocate avaient plaidé "une folie du moment", des paroles que l’homme ne pensait pas et qui lui ont échappé sous le coup de la colère et d’"une perte de sang-froid".
De son côté, Oriane Camus, l'avocate des deux policiers directement visés par le slogan, dénonce "une violence inouïe" et une "haine profonde". Dès son interpellation, la sphère médiatique s’emballe parlant de "provocation au suicide". Ce n’est toutefois pas le fondement sur lequel s’est fondée l’action publique qui a ouvert une enquête, dimanche dernier pour "outrage à la personne dépositaire de l’autorité publique".
Selon Ingrid Theillaumas, l’avocate de ce gilet jaune : "La provocation au suicide est prévue à l’article 223-13 du Code pénal qui dispose que "le fait de provoquer au suicide la personne d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide. En d’autres termes, tant que le destinataire de l’incitation au suicide n’est pas passé à l’acte ou n’a pas tenté de le faire, l’infraction de provocation au suicide ne peut être retenue. En l’espèce, et à ma connaissance, aucun policier ne s’est suicidé ou n’a tenté de le faire face aux mots suicidez-vous ! proférés par les manifestants".
L’outrage à la personne dépositaire de l’autorité publique se définit comme "les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature (…) adressés à une personne chargée d'une mission de service public" lors de l’exercice de sa fonction." La sanction d’un tel outrage (lorsqu’il est commis à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité public) peut encourir jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende.
Ingrid Theillaumas confirme qu’un tel fondement est recevable : "contrairement à la provocation au suicide, l’outrage est ici caractérisé. Les juges auraient aussi pu retenir l’injure publique qui est une autre forme d’abus à la liberté d’expression. Toutefois, l’injure étant une contravention, n’encourt pas de peine privative de liberté (s’il ne s’agit pas d’une injure raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe), à l’inverse de l’outrage qui peut en recouvrir en tant que délit. Les juges ont donc préféré la voie de la sévérité".
"La peine peut sembler excessive dans le sens où ce n’est pas mon client qui a initié le mouvement", explique Ingrid Theillaumas. "Finalement, il se retrouve un peu le bouc-émissaire d’un mouvement dont il n’est pas responsable. Il s’agit d’un manifestant habituellement pacifique. Il s’est laissé porter par un mouvement de foule pendant un très court instant, au cours duquel il a perdu son sang-froid, son libre arbitre, et toute capacité à prendre conscience de la gravité du slogan proféré à l’encontre des policiers. Manque de chance pour lui : ces images de lui dans cet état de fureur ont été diffusées sur Youtube. Ses avant-bras tatoués et parfaitement visibles sur la vidéo ont permis aux forces de l’ordre de l’identifier facilement.", relève la spécialiste.
Une sanction sévère donc mais qui a surtout vocation à "marquer le coup". Reste à savoir si le gouvernement parviendra à venir à bout de cette hécatombe qui touche les forces de l’ordre, en s’attaquant cette fois-ci au fond du problème : le mal-être.
Chaque année, le 3 mai, la liberté de la presse est mise à l’honneur pour quelques heures. Et cela tombe bien, car ces derniers temps, elle est singulièrement mise à mal, que ce soit en France ou dans le monde et elle a bien besoin de soutien. Comme...