Jusqu'au 12 mai, le Musée d’arts de Nantes met à l’honneur ces évolutions. L'"Éloge de la sensibilité" réunit 65 tableaux issus des collections des Musées des beaux-arts de Rennes, de Quimper, de Brest et du Musée d’arts de Nantes. Ils retracent la progression de la peinture française pendant le siècle des Lumières.
Organisée autour de sept sections, l’exposition offre une idée précise de la notion de genre en peinture. Au XVIIIe siècle, l’art pictural s’articule encore autour du principe de la hiérarchie des genres. Cette classification veut que les thèmes artistiques soient agencés par ordre d’importance. Intimement liée à l’esthétique classique, la peinture d’Histoire est le genre le plus illustre. Elle s’attache aux sujets religieux, aux épisodes mythologiques, antiques et royaux.
Or, elle ne figure pas au programme de l’exposition: à l’époque, ce sont les genres dits mineurs qui offrent le terrain le plus favorable à l’expression de la sensibilité en peinture. L’intérêt du parcours est de présenter ces "petits" genres salle par salle. Ainsi, au fil de sa progression, le visiteur navigue d’une spécialité à l’autre, du genre le plus noble au plus commun.
Successivement, il découvre: le portrait, à la fois intime et d’apparat; la peinture de genre, consacrant les scènes de la vie quotidienne et son lot de bals, spectacles et fêtes galantes; et le paysage, décrivant une nature à la fois sublimée et harmonieuse, mais aussi tragique et mystérieuse. De ces sections, on retiendra le magnifique "Portrait de femme" d’Adélaïde Labille-Guiard et l'"Élégie romaine", chef-d’œuvre crépusculaire de Jacques Sablet annonçant le romantisme. Peint par Antoine Watteau, "Arlequin empereur dans la lune" présente les personnages de la Comedia dell’arte, l’un des thèmes favoris de l’artiste.
Il faut attendre la dernière salle pour que l’exposition prenne tout son sens. Elle est consacrée au genre le moins reconnu à l’époque par l’Académie: la nature morte. Objets, fleurs, fruits et légumes, les tableaux représentent des éléments inanimés du quotidien. La section révèle notamment des œuvres de Jean Siméon Chardin, considéré par ses contemporains comme le plus grand peintre de nature morte du siècle.
Soit, mais où trouve-t-on de la sensibilité dans la représentation de pêches, de raisins et d’ustensiles de cuisine? A l’époque, Denis Diderot apporte un élément de réponse en ces termes: "Approchez-vous, tout se brouille, s’aplatit et disparaît; éloignez-vous, tout se recrée et se reproduit". Déjà, l’auteur de l'"Encyclopédie" et pionnier de la critique d’art saisit que Chardin libère la peinture de la pure contrainte de l’imitation. Son style le place hors des conventions de l’époque. Sa technique picturale sophistiquée privilégie un équilibre subtil obtenu par un savant dosage de couleurs et de lumière. Le peintre suscite visuellement la sensation du toucher, du goût et de l’odorat. Il insuffle aux objets représentés comme un frémissement de vie.
C’est ainsi, au siècle des Lumières, que la modernité voit le jour en peinture au travers des sujets les plus humbles. Les natures mortes de Chardin ouvrent la voie aux maîtres des siècles suivants: Manet, Van Gogh, Cézanne, Matisse…
Chaque année, le 3 mai, la liberté de la presse est mise à l’honneur pour quelques heures. Et cela tombe bien, car ces derniers temps, elle est singulièrement mise à mal, que ce soit en France ou dans le monde et elle a bien besoin de soutien. Comme...