La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte II
- Allez, viens L., on reprend notre révolution. Tu es prête ?
- Oui, je suis prête. Tu as dit que le 28 février des personnalités avaient signé une Déclaration
- Une « Déclaration au peuple algérien» dans laquelle ils saluent le soulèvement populaire pacifique. Allez, je continue. Ne m’en veux pas, c’est un peu décousu. Ce n’est pas de la grande littérature, mais les faits sont là, têtus, les uns à la suite des autres.
Vendredi 1° mars 2019
Une insomnie me secoue à 3h30. J’ouvre FB, un internaute a posté une vidéo. Je note sur ma page : « Des camions militaires se dirigent actuellement sur Alger.
Alors que la jeunesse algérienne manifeste contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à la présidence, un collectif d'artistes algériens a publié sur Youtube, (mise en ligne le 1° mars par ‘algeriani’) une chanson contre le "cinquième mandat", dans laquelle ils appellent à "Libérer l'Algérie", devenue virale sur les réseaux sociaux. Des artistes algériens, femmes et hommes, parmi lesquels Djam, Amel Zen, Idir Benaibouche défilent, se libérant de chaines, enlevant leurs baillons et brandissant une rose. "Le peuple va libérer l'Algérie" dit le refrain de leur chanson poignante. "Libérer l'Algérie" (lire plus bas à 4 mars)
Je poste une image de Djamila Bouhired sur FB. Je l’ai trouvée sur le Net : droit d’auteur, « twitter/Egypt Air ». J’accompagne l’image de ces mots : "Nous avons combattu le colonialisme pour être libres, pas pour vivre sous un régime corrompu, c'est pourquoi je manifesterai vendredi 1° mars a dit Djamila Bouhired". La photo sera vue par près de 4000 personnes.
Nouvelles manifestations à travers le pays alors que les magistrats et les médecins rejoignent la contestation.
Dans Le Journal du dimanche, français (JDD) de ce 1° mars, à propos des menaces du pouvoir : « Jeudi encore, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en garde contre un scénario "à la syrienne", pays en guerre depuis 2011. "Des manifestants heureux ont offert des roses aux policiers. Mais rappelons-nous ensemble qu'en Syrie, ça a commencé aussi avec des roses", a-t-il déclaré devant l'Assemblée populaire nationale. "Je ne parle pas pour faire peur au peuple, non, je ne parle pas pour exploiter le passé", avait pourtant auparavant assuré Ahmed Ouyahia. »
Entretien de Boualem Sansal à Libération daté 1° mars, il déclare : «… Contrairement à ce que l’on entend, le pouvoir n’est pas du tout isolé : il s’est constitué des clientèles dans tous les milieux. Cette énorme machinerie de redistribution a fait que les gens, pendant longtemps, n’ont pas vu d’alternative possible à Bouteflika… Et il y a eu toute une mise en scène avec cette retenue manifestée par les policiers, certains se voyant même offrir des fleurs par les manifestants. On a même vu certains nettoyer les rues avant de repartir chez eux !… Je ne vois pas le pouvoir politique caler. Le train est sur des rails et n’en sortira pas. Il y aura répression et arrestations. En revanche, il se peut qu’au sein de l’armée, une petite partie refuse de réprimer davantage. L’état-major soutient le Président mais les généraux ne sont pas tous sur la même ligne. Il y en a un notamment qui a annoncé sa candidature : Ali Ghediri. Il a la soixantaine alerte, il est bardé de diplômes et il a fait toute sa carrière au ministère de la Défense. En quelques semaines, il a capté l’attention des Algériens et, chaque jour, des intellectuels, des avocats, des journalistes se rallient à lui. Il est la preuve que toute la hiérarchie militaire ne soutient pas Bouteflika. Les islamistes, bien sûr, se pourlèchent les babines. Ils ont bien profité du Président et de sa manne financière via de multiples associations, ils ont tissé des réseaux partout. Je suis assez pessimiste car la société est très fragmentée. L’espoir suppose un minimum de cohésion sociale. Or on est tous sur des planètes différentes. Une bombinette là-dedans et tout explose. L’armée pense que l’Algérie lui appartient et les islamistes pensent que le peuple leur appartient. Bouteflika a réussi ce miracle de maintenir un équilibre entre les deux. Il a fait en sorte que celui qui porte le qamis puisse coexister avec celle qui porte la mini-jupe. Sauf que l’effondrement des prix du pétrole a détruit cet équilibre, la manne s’est tarie. »
Sur une grande banderole (image de Echorouk de la manifestation du 01 mars on lit « Un seul héros le peuple », un clin d’œil à 1962 lorsqu’est apparue sur les murs d’Alger cette affirmation.
- Quand t’auras fini tu me donneras tes notes, parce qu’il y a des noms et des événements que je ne retiens pas, il y en a tellement.
- Bien sûr ma chérie.
Samedi 02 mars
Sur France-tv-info : La révolte en cours en Algérie s'organise d'abord sur Facebook, où les appels au calme se multiplient pour éviter de discréditer le mouvement.Une révolte 2.0. Depuis la mi-février, des dizaines de milliers d'Algériens protestent dans la rue contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle pour un cinquième mandat consécutif. Des manifestations qui rassemblent encore énormément de personnes, vendredi 1er mars.A l'image des printemps arabes en 2011, ce mouvement de contestation est parti des réseaux sociaux. Depuis, il prospère et s'organise en ligne... Une jeunesse hyperconnectée : Une bonne partie des messages sur les réseaux sociaux invitent les Algériens au civisme, pour que les manifestations se déroulent dans le calme.
Zaalane est le nouveau directeur de campagne de Bouteflika. Il remplace Sellal, remercié.
17h : Manif devant le consulat de Lyon.
J’écris et poste ceci, tout en majuscule sur fond rouge. Facebook propose de s’exprimer en utilisant des arrière-plans de différentes couleurs, avec ou sans fantaisie. Je choisis donc un fond rouge foncé : « Une Révolution algérienne de velours est entrain de s’écrire en actes : 1° acte- V. 22 février 2019, 2° acte : V. 1° mars 2019, 3° acte : V. 8 mars 2019 ; Etc. jusqu’à la victoire et la chute (pacifique) du régime. »
J’ajoute aussi un schéma constitué d’un ensemble de rouages reliés entre eux, figurant le « Système ». Les rouages portent des noms : Hadad and Co, Sidi Saïd, Flen ex DRS, Sellal, FLNRND…
France Culture et Caroline Broué reçoivent dans « L’Invité actu » Nadjia Bouzeghrane et Salim Bachi : "En Algérie le mur de la peur est tombé". « Les gouvernants sont à nu en ce moment. Ils ont méprisé la population au point de vouloir présenter une personne quasi morte pour un cinquième mandat en toute impunité, croyant pouvoir continuer à berner les gens. Ces manifestations montrent qu'ils se sont un peu surestimés », dit Bachi.
Durant la marche du 02.03, Daïkha Dridi tient haut une pancarte : « Rani Taïra ». Elle est heureuse, ça plane pour elle, elle, elle, elle. Abdelaziz Bouteflika ne fête pas ses 82 ans.
Le Monde : « Algérie : quelles forces d’opposition face à Bouteflika ? - A quelques semaines de l’élection présidentielle du 18 avril, tour d’horizon des oppositions au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika dans un pays où la contestation prend de l’ampleur... L’arrêt brutal des élections législatives en janvier 1992 a mis un terme au processus démocratique qu’avait connu l’Algérie après les manifestations d’octobre 1988. L’éclosion d’une vie partisane, avec l’apparition de nouveaux partis et la sortie de la clandestinité d’anciennes formations, en a durement souffert. La guerre civile des années 1990 qui a suivi, puis le verrouillage de la vie politique ont suscité un profond désintérêt pour la politique. Aujourd’hui, les partis d’opposition sont soit marginalisés, soit contraints de participer à un jeu électoral peu suivi par les Algériens. Couvrant un spectre politico-idéologique assez large, ces formations peuvent, par moments, se retrouver du côté du pouvoir… » (Amir Akef - Le Monde.fr)
Dimanche 3 mars
Abdelghani Zaâlane, nouveau directeur de campagne, dépose la candidature de Bouteflika auprès du Conseil constitutionnel. Le même soir, dans une lettre, Boufelika s’engage, s’il est élu, à quitter le pouvoir à l’issue d’une élection anticipée à laquelle il ne participera pas.
TSA : Ghediri a chargé son directeur de campagne Mokrane Aït Larbi de déposer son dossier devant le Conseil constitutionnel. Le candidat étant présent, rien à priori ne justifie qu’il se fasse ainsi remplacer par quelqu’un d’autre. Sinon la volonté de préparer l’opinion à accepter que le dossier de Bouteflika, qui ne peut se déplacer à cause de ses soucis de santé, soit aussi déposé par une tierce personne, son directeur de campagne précisément. (Makhlouf Mehenni - TSA)
A Paris comme à Marseille… la diaspora scande les mêmes slogans qu’en Algérie. 6 000 manifestants à Paris, 1 500 à Marseille, Toulouse… A l’unisson des mobilisations algériennes, les Algériens de France ont crié leur refus d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. (Le Monde-Par Luc Leroux et Ghalia Kadiri) Ben, Kader et moi manifestons à Marseille. Dominique K. me tend le micro. Elle filme « Pourquoi vous êtes venu à cette manifestation ? » Le soir, jusque tard, déferlante dans plusieurs villes du pays Alger, Mosta, Bajaïa…
- T’étais avec tonton Ben ?
- Oui ! et avec d’autres amis aussi que tu ne connais pas ou peu. Kader, tu connais ?
- Je connais Kad
- Non, là c’est Kader, on l’appelait Elvis lorsqu’on avait l’âge du chanteur.
- Ah…
Ce jour-là Mélenchon a Tweeté : « Quelle est belle l’Algérie pacifique qui défile dans la dignité de sa citoyenneté » Article plus ancien Accueil Inscription à : Publier les commentaires (Atom)