PONDONS DES ŒUFS DE PÂQUES !
Achetez une poule, faites-lui pondre des œufs, gardez les œufs, jetez la poule, faites cuire les œufs dans l'eau bouillante : ils deviendront verts dans une eau d'épinards, rouges dans une eau additionnée de carmin, jaunes dans une eau additionnée ou de safran ou de citron.
Le mois d'avril est le mois préféré de l'escargot coureur. Il compte trente jours qui allongent sans cesse. Ce temps gagné ne se rattrape jamais. Bientôt l'hirondelle va revenir. Mais déjà l'homme est magnifique à voir : il vient de mettre son chapeau de paille, un peu au hasard de l'événement, ou alors sur le sourcil gauche. Il plante la griffe d'asperge, il récolte l'oseille, il protège l'espalier avec des paillassons, il les enlève, il les remet mieux, il s'évertue, il se démène, il sème la lupuline, il fume les vieux houblons, en un mot il fait le diable à quatre.
La poule pond déjà des œufs de Pâques, le lièvre de Pâques en fait autant. La poule le regarde en chien de faïence. La femme se livre aux nettoyages de printemps : ayant décapé au dissolvant sans acétone les ongles qui font sa parure, ses armes et sa vanité, elle les passe au décapant qui en supprimera les peaux, au siccatif qui les dessèche et aux divers acides qui en protègent le vernis. Qu'est-ce, en effet, que la vie de l'épouse sinon une suite de longues discussions conjugales ? Il faut que l'arme blanche étincelle.
C'est ainsi que le guerrier tient son poignard fourbi. En même temps, elle surveille soigneusement cet équilibre hydracide de l'épiderme auquel elle doit le chatoiement inépuisable de sa peau.
Almanach des quatre saisons, p. 63-64.