D’ici là on peut encore découvrir deux expositions particulièrement intéressantes qui entrent en résonance avec le fonds permanent comme son directeur Claude d'Anthenaise aime le faire pour susciter notre réflexion. La réouverture aura lieu en octobre 2020 avec la présentation d'une collection de statuaires anciennes qui tient "dans la valise d’Orphée", dans une mise en scène de Damien Deroubaix en évocation à quelque chose de l’ordre d’une chapelle Sixtine.
Deux œuvres alertent le visiteur à son entrée dans la cour : un crâne d'Erik Nussbicker prêt à prendre son élan et une curieuse évocation d’un arbre à chats, en bronze, aux arêtes coupantes, qui de toute évidence ne peut pas en être un, ne serait-ce que par sa taille, davantage adaptée à une souris qu’à un félin. C’est une sorte d’amuse bouche de l’exposition dira l’artiste Théo Mercier avec humour ... et sérieux.
Théo Mercier revient habiter les salles du musée de la Chasse et de la Nature, dix ans après y avoir fait sa première exposition personnelle. Son travail nous parle du rapport catastrophique que nous développons avec la nature ... avec tout ce que cela entraîne de rapports de pouvoir et de solitude. Sa démarche artistique s’accorde parfaitement avec la réflexion que le musée mène sur la manière de vivre autrement dans la nature... car il n'est pas consacré uniquement à la chasse, loin de là.
Nous remarquerons tout au long de la visite combien cet artiste tourne autour de la notion de cabinet de curiosités et sur le concept de collection.Every stone should cry
Le changement d’échelle annoncé dans la cour se poursuit dans la salle du rez-de-chaussée qui prend une allure de grotte. On n’avalera pas quelques gouttes de la potion magique d’Alice mais on sera invité à cacher nos griffes (de prédateur sur la nature) dans des surchaussures couleur de ciel (comme la robe de la jeune héroïne).
Une autre de ses collections, composée de très gros coquillages compose la série "Amour sans organe".
On peut décrypter partout de la polysémie et de la mise en abime notamment en faisant se réfléchir rébus et rebus. Cette réflexion se poursuivra à l’étage devant la vitrine de masques africains, "récupérés" auprès d'un marchand d'art.
Ses "arbres à chats" deviennent un support de narration. Le fil de la visite nous confirme combien nous utilisons l’animal en tant que réceptacle à nos angoisses. Chercherions-nous à apprivoiser nos peurs en le domestiquant ? (probablement quand on sait combien caresser la fourrure d'un chat peut avoir une fonction apaisante, qui est d'ailleurs mise en pratique dans de nombreuses maisons de retraite). Quel serait le destinataire de ces objets que l’artiste nous tend ? Le chat ou l’humain ?
Théo Mercier fait observer les crampons du caoutchouc d'un pneu composant l'installation centrale de la pièce, et que les garagistes désignent par le terme de sculptures. On sait que l’usure les effacera comme nous avons provoqué la disparition de milliers d’espèces par les grands génocides. Il emploie surtout des pneus de marque Good Year, principalement pour leur nom "prometteur". La trace que pourrait laisser un pneu sur le sol est aussi métaphorique de nos empreintes ... carbone. Que protégeons nous prioritairement ? Les animaux ou des objets comme un silex biface ?
Tout en étant subversif comme le sont les artistes, il s'est conformé le plus possible à respecter le thème des salles. Ains le Salon des chiens accueille une autre de ses nombreuses collections et compose une archéologie pour les chiens. Juste à coté, il conjugue les injonctions de domestiquer, surveiller, nourrir, punir en faisant une analogie entre le monde animal et le monde des enfants. Ne dirait-on pas des maisons de poupée alors qu'il pourrait s'agir d'aires de jeux pour cobayes ?
La première pièce de ce Jardin intérieur résonnera si on se déplace rapidement car la suspension de plumes d’oie est très sensible à l’air. Les trois crânes posés sur le parquet sont des moulages réalisés chacun dans une teinte de bronze. Ce matériau est parfait pour sonner. Il est utilisé à cet effet pour les cloches.
Il a commencé à implanter les Crânes Psychopompes au Vent des Forêts Il s’agit de crânes humains qui émettent un son particulier quand on les balance au bout d’une longe. L’air les fait vibrer, exprimant la persistance de la voix à travers la mort. Désormais, trois crânes sont accrochés aux arbres, au cœur de ce bois, en Meuse, pendus à hauteur de main pour qu’on puisse s’en saisir et les balancer. Posée sur le sol, sous chaque crâne, une dalle façonnée dans une ancienne pierre tombale sert de repère. On peut voir cela comme un prototype de sépulture sonore, susceptible d’être reproduit aussi bien au cimetière du Montparnasse que dans n’importe quel endroit.
Parmi toutes les activités proposées par le musée (voir le programme sur le site) il y aura le mercredi 5 juin à 19 h30 une installation performante et sonore au cours d laquelle Erik Nussbicker offrira à un cerf une vie post-mortem, à l'instar de la performance sonore qu'il avait faite au musée en 2008
Every stone should cry, [Apokatastasis]
Au Musée de la Chasse et de la Nature
Du 23 avril au 30 juin 2019
67 rue des Archives - 75003 Paris
Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures
Nocturne les mercredi jusque 21 h 30
Fermé lundi et jours fériés