Un petit message pour vous faire profiter de mes échanges avec ma nouvelle "correspondante" malienne, une écolière rencontrée sur internet et avec qui j'échange par e-mail sur les différences entre nos pays. Réécriture autour de notre conversation.
«Quel raison, me demande-t-elle, pousse les gens à se faire autant de mal et à négliger les plus faibles?»
Je lui réponds que c'est l'argent. J'eus un peu de peine à lui faire comprendre ce que ce mot signifiait exactement chez nous; je lui expliquai nos différentes espèces de monnaies; je lui en fis connaître l'utilité, et lui dis que lorsqu'on en avait beaucoup on était heureux ; qu'alors on se procurait de beaux vêtements, de belles maisons, de belles voitures, qu'on mangeait bien, et qu'on avait le choix de tout ce qu'on pouvait désirer.
Je lui dis aussi que, pour cette raison, nous ne croyions jamais en avoir assez, et que, plus nous en avions, plus nous voulions en avoir ; que les plus riches profitaient du travail des plus pauvres, qui, pour acheter de quoi se nourrir, travaillaient du matin au soir et n'avait pas beaucoup de moment de relâche.
«Je ne comprends pas, me répond-elle, toute la terre n'appartient-elle pas à tous les hommes, et n'ont-ils pas un droit égal devant ce qu'elle produit pour leur nourriture ? Pourquoi y a-t-il des hommes privilégiés qui recueillent ces fruits à l'exclusion des autres, qui leur sont pourtant semblables ?
Et si certains prétendent mériter davantage, cela ne devrait-il pas être ceux qui, par leur travail, ont contribué à rendre le pays plus riche ?
-Pas vraiment, lui répondis-je ; ceux qui font vivre tous les autres par la culture de la terre sont justement ceux qui meurent de faim.
-Mais, me dit-elle, qu'entends-tu par "bien manger" ?»
Je me mis alors à lui lister les plats les plus délicieux dont la table des riches est ordinairement couverte, et les manières différentes dont on apprête les viandes.
Je lui dis tout ce qui me vint à l'esprit, et je lui appris que, pour bien assaisonner ces viandes, et aussi pour avoir de bonnes liqueurs à boire, nous affrétions des avions et entreprenions de longs, coûteux et polluants voyages de sorte qu'avant d'arriver dans notre assiette, il fallait avoir envoyé plusieurs cargos dans les quatre parties du monde pour rapporter ces épices, ces fruits exotiques ou ces boissons (liqueurs, café, thé...).
«Votre pays, repartit-elle, est donc bien pauvre, puisqu'il ne fournit pas de quoi nourrir ses habitants ! Vous n'y trouvez pas même de l'eau, et vous êtes obligés de traverser les mers pour chercher de quoi boire !»
Je lui répliquai que la France produisait trois fois plus de nourriture que ses habitants ne pouvaient en consommer, et que pour la boisson, nous composions une excellente liqueur avec le sucre de certains de nos fruits; qu'en bref, rien ne manquait à nos besoins naturels ; mais que, pour nourrir notre luxe et notre gourmandise, nous exportions dans les pays étrangers ce qui pullulait chez nous, et que nous en rapportions en échange ce que les autres produisaient.
Je lui dis aussi que cet amour du luxe, de la bonne chère et du plaisir était le principe même des occidentaux et que, pour l'atteindre, il fallait s'enrichir.
Je lui dis que nous mangions sans avoir faim et que nous buvions sans avoir soif."
C'est un résumé un peu rapide mais assez explicite de deux façons de voir le monde. Que ceux qui ont reconnu dans ce texte autre chose que ce qu'il est, attendent demain pour plus d'explications.