Tamangur, de Leta Semadeni

Publié le 30 avril 2019 par Francisrichard @francisrichard

Tamangur est le paradis des chasseurs, et le grand-père, chasseur lui-même, a vraiment mérité d'être admis dans ce paradis.

Après être parti pour Tamangur, le grand-père a laissé la grand-mère et l'enfant. Mais son souvenir est toujours bien présent chez elles deux.

La grand-mère n'est pas pressée: Tamangur, c'est là où en réalité on ne veut pas aller. Elle ajoute: Le paradis est difficile à supporter tant qu'on n'est pas mort.

La grand-mère et l'enfant (qui a perdu son petit frère, emporté par le fleuve, sans qu'elle puisse rien faire) vivent dans le village, avec Chan, le chien:

Le village est un endroit plein d'ombres, profondément encaissé entre les montagnes, et encore plus bas mugit le fleuve, épais et scintillant en direction de la frontière.

Des parents de l'enfant il n'est question qu'une fois dans le roman de Leta Semadeni. Ils ne sont, semble-t-il, plus de ce monde depuis déjà longtemps.

Elsa habite la maison jaune, avec Elvis. Elle rend souvent visite à la grand-mère et à l'enfant et sent un peu Chanel n°5 et la cave de pommes de terre:

La grand-mère a le don de reconnaître les choses au nez et elle veut transmettre ce don en apprenant à l'enfant à flairer. Et finalement, elle est surpassée par l'enfant...

Ce sont aussi des histoires qui sont transmises à l'enfant par la grand-mère ou par Elsa, dans toutes leurs variantes, ou encore par le grand-père.

Ces histoires la façonnent, de même que les personnages qui peuplent l'univers de son enfance:

- la couturière aux yeux de crocodile, qui vole des souvenirs comme si de rien n'était et qui chante bien,

- la Corneille qui porte des vêtements noirs toute l'année,

- la professeure de piano avec laquelle elle sait prendre un air innocent au bon moment,

- la voisine au rire effrayant,

- Claudia et le ramoneur, qui, au café, pérorent sur leurs hommes,

- Luzia, la fillette de l'Alpenrose, qui lui fait regarder ce qui est intéressant par un trou dans le mur d'une chambre

C'est cependant avec la grand-mère que l'enfant apprend le plus de choses sur la vie d'ici-bas et sur l'âme, qui ne pèse que quelques grammes:

Au moment où un chasseur est accueilli à Tamangur, il perd vingt-et-un grammes parce que son âme s'échappe du corps pour retourner là où elle habitait avant.

L'important n'est-il pas, même lorsque le corps vieillit, que l'âme reste toujours jeune?

Francis Richard

Tamangur, Leta Semadeni, 184 pages, Slatkine (traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine)