Pendant quatre siècles, du XIVe au XVIIIe, le comté de Nice avait été idyllique. Les habitants n'étaient pas tenus de parler la même langue. Plusieurs monnaies y avaient cours. Les produits d'importation y entraient sans taxes. Le pouvoir central se faisait discret. Tout change avec l'invasion par les troupes françaises en 1792, accompagnée d'exactions...
Avant d'être rattaché à la France en 1860, le Comté de Nice l'aura été pendant plus de vingt ans, du 31 janvier 1793 jusqu'au Traité de Paris, en 1815, grâce à un discret homme d'affaires suisse, Gabriel-Isaac Veillon, et à un brillant tribun niçois, Jean-Dominique Blanqui, qui vont transformer une occupation en une union bénéfique pour les deux parties.
Pierre Abou va enquêter sur leur improbable demande de rattachement après avoir consulté le fonds Veillon dans les archives du canton de Vaud, constitué d'une quantité importante de documents, registres, plans cadastraux, découverts en mars 2016 lors de travaux de rénovation dans une maison de Bex ayant appartenu à un autre Veillon, Jean-David.
Comment ils y parviennent, c'est tout l'objet de ce livre passionnant, très documenté, disposant d'un index et d'annexes, qui éclaire d'un jour nouveau cet épisode sur lequel les historiens ne s'étaient guère penchés jusque-là. C'est pourtant pendant cet épisode que, pour la première fois, l'expression d'Alpes Maritimes apparaît, inventée par les deux comparses.
Ce qui est surprenant, c'est que ces deux-là sont complètement à l'opposé l'un de l'autre. Une génération les sépare. L'un est issu d'une famille suisse aisée, l'autre d'une famille d'artisans locaux. L'un est l'homme de la confidentialité des affaires et de la subtilité toute diplomatique, l'autre a une expérience professorale qui l'a formé à l'art de l'éloquence.
Ce qui les unit, c'est qu'ils sont chacun, par nature profonde, des révolutionnaires, inspirés des Lumières, et qu'ils savent se répartir les rôles. En dépit des vicissitudes et de leurs différences, ils resteront toujours amis et sauront faire aboutir leur cause dans un contexte révolutionnaire particulièrement dangereux, mais sans trop s'embarrasser de scrupules.
Le terme de Riviera est réservé à l'époque au littoral génois. Lorsque la Riviera française deviendra réalité en 1860, elle consacrera l'aboutissement d'un processus politique, logistique, économique et d'image, écrit Pierre Abou en début d'ouvrage. En fin d'ouvrage, il annonce la parution d'un tome II: Riviera française - Les héritiers 1815-1871.
Francis Richard
Riviera française - Les bâtisseurs 1773-1815, Pierre Abou, 434 pages, Éditions de la Bisquine