L’Olympia28, boulevard des Capucines75009 ParisTel : 08 92 68 33 68Métro : Madeleine / Opéra / Auber
En tournée jusqu’au 18 juin 2020
Seule en scène écrit et interprété par Anne Roumanoff
Présentation : Anne Roumanoff revient avec un tout nouveau spectacle : « Tout va bien ! »Tout va vraiment bien ? Au menu, les réseaux sociaux, Emmanuel Macron, le politiquement correct, les femmes divorcées, la start-up nation, les sites de rencontres, le culte de l’apparence…
Mon avis : A chaque fois que j’assiste à un spectacle d’Anne Roumanoff – et je pense les avoir pratiquement tous vus -, il me vient, pour en parler, l’irrésistible réflexe de paraphraser Paul Verlaine : « Une femme qui n’est chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre »… En effet, à chacun de ses seule en scène, Anne Roumanoff réussit à se renouveler intégralement sans pour autant changer de style et de ton. Bien sûr, elle a évolué, elle évolue et elle évoluera toujours car elle est un témoin curieux et avisé de son temps. Cette stakhanoviste d’Internet et des réseaux sociaux passe une grande partie de ses nuits sur la Toile à fureter, à s’informer. C’est dans cette actualité effervescente qu’elle puise une grande partie des nouveaux thèmes qu’elle va aborder.
Alors qu’en est-il de ce millésime 2019 qu’elle a intitulé « Tout va bien ! » ? La présence d’un point d’exclamation n’est pas anodine. Personne n’est dupe, et surtout pas elle. Elle pratique bien sûr effrontément la Méthode Coué. Chez elle, la malice est une seconde nature. Elle possède cet incomparable talent de traiter des sujets qui, lorsqu’elle les évoque, nous sautent aux yeux comme des évidences mais qui, une fois passés au prisme de son regard satirique et impertinent, se métamorphosent en une succession de traits d’esprit et de situations hilarantes.
Premier choc lors de son apparition, « La Dame en Rouge » n’a gardé de sa panoplie scénique que les chaussures ! Ce changement de tenue est tout un symbole, un véritable tournant même dans sa carrière. Il signifie en réalité plusieurs choses : d’abord Anne n’a plus besoin de se cacher derrière l’artifice d’un costume écarlate pour être elle-même ; sa notoriété, validée depuis nombre d’années par la reconnaissance du public, se suffit à elle-même. Ensuite, elle a changé de statut social. Elle l’annonce d’ailleurs fièrement dès son entrée en scène : elle a divorcé ! Elle est donc redevenue une femme libre et se trouve, comme elle le formule de façon volontairement triviale, de nouveau « sur le marché »… Evidemment, cette situation est génératrice de nouvelles expériences et, partant, de nouvelles sources de sketchs.
Tout va bien !est un spectacle remarquablement structuré. Il se divise en neuf thèmes. Neuf thèmes qui comportent chacun une introduction, un développement et, systématiquement, une chute. C’est très efficace car chaque chute étant ponctuée d’un noir (c’est à dire que la scène s’éteint), on sait qu’on va passer à un sujet différent… Pas question de déflorer le contenu de ce spectacle. Pendant près de deux heures, sans aucun temps mort, Anne dévide le fil rouge des neuf pelotes humoristiques qui constituent la trame de son spectacle. Elle parle ainsi successivement des réseaux sociaux et décrypte les nouveaux mots qui en découlent, des Gilets jaunes, d’Emmanuel Macron, du « politiquement correct », du féminisme, de la vie de couple, des sites de rencontres, des nouvelles technologies adaptées à la boucherie de Liliane et Jean-Claude, des relations ados-parents…
Pour éviter la moindre redondance, elle créée habilement quelques ruptures. Elle interprète un rap, se livre à une consultation de voyance avec un spectateur qu’elle fait monter sur scène, récite une fable et, évidemment, épisode très attendu, elle consacre un bon moment à sa fameuse « Radio Bistro ». L’actualité actuellement complètement folle, lui fournit de quoi nous offrir un véritable feu d’artifice.
Personnellement, tout m’a plu dans ce nouveau spectacle. Néanmoins, l’amoureux des mots que je suis, a été particulièrement enthousiasmé par sa fable qu’on pourrait intituler « Les poulettes et le cochon ». J’ai de même beaucoup goûté sa jolie métaphore jardinière dans le troisième sketch, apprécié la leçon de vulgarisation de Liliane sur les nouvelles technologies et savouré sa virtuosité de chansonnière dans la séquence « Radio Bistro ». J’ai trouvé par exemple sa comparaison entre le prix du litre d’encre d’une cartouche d’imprimante et celui d’un parfum Chanel particulièrement brillante et édifiante.
Bref, Anne Roumanoff a atteint désormais un niveau qualitatif indiscutable. Très exigeante, elle peaufine tellement ses textes qu’il ne reste aucune scorie, aucune fioriture. Elle ne garde que l’essentiel. Assistée de Jean-Claude, Liliane enlève tout le gras superflu et gratte ses sujets jusqu’à l’os pour ne mettre à l’étalage que des morceaux de choix… Elle possède un sens infaillible de la formule, a l’art de faire jaillir ça et là de superbes fulgurances et, surtout, elle est d’une logique et d’un bon sens imparables, ce qui rend ses propos d’autant plus réjouissants pour le plus grand nombre.
Je suis sincèrement très admiratif à la fois de son écriture et de son jeu de scène. Elle serait musicienne, on dirait qu’elle est une remarquable ACI, auteure-compositrice-interprète. Cela fait déjà plusieurs spectacles qu’elle est à l’acmé de son talent. Mais pour obtenir un tel niveau et s’y maintenir, il ne faut jamais occulter ce que cela induit de rigueur et de travail…
Gilbert « Critikator » Jouin