il y a quelques années
quand je pensais un jour à me construire en campagne
je me disais qu'il me faudrait absolument
l'internet haute vitesse
et que si j'avais à m'isoler dans le bois
je ne le pourrais qu'à la condition
de pouvoir être connectée en tout temps avec le monde
via les zinternets
je le pense toujours
mais j'aimerais aussi
m'imaginer la vie sans cela
pas sans le web
parce que beaucoup
ne pourraient pas travailler
parce que les communications importantes
auraient du mal à se rendre efficacement
mais sans les médias sociaux
sans les blogues
sans les plateformes
à partir desquelles
on peut si facilement s'exprimer
on peut si facilement mettre en page
mettre sa vie en images
se mettre en beauté
ces fantastiques plateformes
qui m'ont permis de m'exprimer
pendant plus d'une dizaine d'années
si elles n'existaient pas
j'écrirais peut-être sur word
plutôt que sur blogger
et si j'écrivais aussi régulièrement que maintenant
j'aurais peut-être accumulé
suffisamment de matière
pour publier sur papier
je n'aurais pas dilué ma pensée
en mille et une secondes
et en rétroactions
je ne me serais pas dépensée
à penser tout haut tout le temps
et quémander les opinions
je n'aurais pas éventé mes énergies
s'il n'y avait pas
toutes ces fantastiques plateformes
peut-être aurais-je été plus introspective
je ne sais pas
j'aurais réfléchi davantage
j'aurais perfectionné dans le noir
j'aurais écrit à la main
j'aurais appelé un ou une amie
avec un téléphone ou un courriel
j'aurais envoyé des textes
j'aurais dessiné
j'aurais pris moins de photos
j'aurais fait de la peinture
et peut-être que non
peut-être que je me serais blottie en boule
à n'avoir aucun contact
à ne pas grandir avec tous ces amis
que je me suis fait sur la toile
et à me laisser mourir
qui sait
il y a maintenant ici et là les zinternets
même qu'il n'y en a pas partout
comme dans certains rangs victorieux
à une heure de la métropole
mais il y en a entre bruxelles londres et montréal
et il y a sûrement un entre-deux
un équilibre entre la beauté
et la laideur du monde
une abondance et une facilité
auxquelles je pourrais des fois renoncer
pour enlever mes lentilles
et reprendre le contact
avec la vraie vie.