Salle du colloque (photo publiée sur le site de l'IREF)
Mardi 16 avril 2019 a eu lieu à Paris un colloque organisé par l'ALEPS, Contribuables Associés et l'IREF, sur le thème:
Europe: quel avenir pour nos libertés ?
Ce thème était lui-même subdivisé en deux parties et quatre panels:
Première partie:
- Pourquoi l'Europe, fondements et raisons d'être?
- L'Europe vue d'ailleurs
Deuxième partie:
- Les institutions européennes sont-elles adaptées?
- Les politiques européennes et leurs limites
Chaque panel est composé de trois ou quatre intervenants, qui font chacun un exposé de douze minutes exactement, contrôlées par un modérateur. Ces exposés sont suivis de questions posées par l'assistance.
L'avantage de ce dispositif est son efficacité. Chaque intervenant, compte tenu du temps qui lui est imparti, doit aller à l'essentiel. Ce colloque de quatre heures et demie, avec une pause d'un quart d'heure entre les deux parties, est donc d'une grande densité.
Mercredi 17 avril 2019, j'ai fait (ici) un compte-rendu de la première partie. Entre-temps j'ai appris, sur le site de l'IREF, que 130 personnes avaient participé au colloque.
Ci-après le compte-rendu que je viens de faire de la deuxième partie.
Alain Mathieu et Jacques Garello
Deuxième partie
I Les institutions européennes sont-elles adaptées?
Jacques Garello, Professeur émérite à l'Université d'Aix-en-Provence, traite de L'Europe des non-choix.
La maladie de l'Europe provient des orientations différentes de ses fondateurs.
Il y a en effet deux orientations contraires dans le Traité de Rome:
- l'Europe puissance politique voulue par Jean Monnet
- l'Europe espace de liberté voulue par Konrad Adenauer, par Alcide De Gasperi et, moins fermement, par Robert Schuman.
De ce non-choix sont nés l'Europe des politiques communes et le marché commun
Dans le Traité de Maestricht se mêlent ouverture et protectionnisme.
(d'un côté François Perroux avait écrit L'Europe sans rivages, de l'autre André Marchal, L'Europe solidaire)
Le non-choix, c'est vouloir d'une part une politique structurelle, un droit européen (un tiers de la législation française est repris des lois européennes) et des normes, d'autre part le marché (et la reconnaissance mutuelle de normes).
Olivier Méresse (modérateur) et Jean-Philippe Feldman
Jean-Philippe Feldman, Avocat, Professeur agrégé des Facultés de droit et Maître de Conférence à Sciences Po, mène une Réflexion sur les institutions.
Les institutions européennes sont incompréhensibles...
Pourquoi? Parce que c'est le côté normativiste qui l'a emporté sur les libertés.
L'Europe est surtout une machine à réglementer. Elle n'est heureusement pas encore une machine à taxer (80% du budget provient des contributions des États).
A l'origine l'Europe devait être une zone de libre-échange, ZLE:
- suppression des barrières
- absence d'harmonisation
- inexistence d'institutions
C'est le général de Gaulle qui a fait abandonner la ZLE.
Aujourd'hui il y a absence de:
- séparation des pouvoirs
- limitation des pouvoirs
- subsidiarité
Pour que l'Europe ne soit plus une machine à réglementer, il faudrait:
- supprimer l'harmonisation
- instaurer un droit de sécession (et non pas un droit de retrait)
Alain Mathieu et Jacques Garello
Alain Mathieu, Entrepreneur, Président d'honneur de Contribuables associés, s'est intéressé à l'OLAF, la seconde Cour des comptes européenne
Qu'est-ce que l'OLAF? L'Office européen de lutte anti-fraude. Il traque les fraudes en matière :
- d'actions structurelles
- d'aides dans le cadre de la PAC, Politique Agricole Commune
- de subventions directes
- d'aide extérieure
Alors que les salaires des fonctionnaires européens représentent 7% du budget, le reste, ce sont donc des subventions de toutes sortes.
Les exemples de versements indus et d'utilisations inappropriées que donnent Alain Mathieu sont ahurissants.
La fraude n'est pas seulement le fait des bénéficiaires de subventions, elle est aussi le fait de membres du personnel de l'UE (60 000 personnes)...
L'OLAF (effectif de 406 personnes) n'est d'ailleurs pas seul à enquêter en matière de fraude, il y a aussi Eurojust (240 personnes) et la Cour des comptes européenne (856 personnes). C'est dire l'étendue du problème...
Quoi qu'il en soit, les enquêtes de l'OLAF sont trop longues (22 mois en moyenne) et souvent les délais de prescription sont dépassés...
Laurent Pahpy et Ferghane Azihari
II Les politiques européennes et leurs limites
Ferghane Azihari, Chargé d'études à l'IREF, traite de L'immigration en Europe.
Les principes de libre circulation ne font plus consensus. A commencer par celui de la libre circulation des personnes.
Pourquoi?
- Les immigrés sont perçus comme trop nombreux (leur nombre est surestimé d'un facteur 2 ou 3)
- Le manque de confiance dans les institutions
En effet la redistribution illimitée se substitue à l'insertion professionnelle: force est de constater que plus un État est généreux, plus il a tendance à fermer ses frontières.
Avec l'État-providence il s'agit d'un jeu à somme nulle, le contraire du commerce.
Enfin l'immigration est un problème culturel: place est faite au relativisme culturel plutôt qu'à l'adoption des normes occidentales.
Il faudrait donc renouer avec une plus grande exigence et être fier de la civilisation occidentale.
Laurent Pahpy et Ferghane Azihari
Laurent Pahpy, Chargé d'études à l'IREF, traite de L'agriculture européenne.
En matière agricole, à tort, on oublie la loi de l'offre et de la demande: on veut toujours contrôler l'offre, sous la pression des corporations agricoles, c'est-à-dire planifier.
Pourtant, depuis Montesquieu, on sait, par exemple, que la planification viticole ne fonctionne pas...
En fait il y a transfert du syndicalisme agricole français au niveau européen.
(quand la Roumanie est entrée dans l'Union européenne, du fait de l'interdiction des souches hybrides, leur arrachage y a été effectué...)
Deux exemples de planification agricole:
- le cahier des charges des AOC, qui empêche la concurrence
- le bio (on prétend ne pas utiliser de pesticides), qui revient à protéger certains agriculteurs.
Les agriculteurs devraient être libres de produire ce qu'ils veulent.
Olivier Méresse (modérateur) et Christopher Butler
Christopher Butler, Directeur exécutif de Americans for Tax Reform, traite du Poison de la soi-disant harmonisation fiscale européenne.
La réduction de l'impôt sur les sociétés depuis 2014 dans l'OCDE a permis de faire la réforme fiscale de 2017 aux États-Unis.
La taxe de solidarité sur les billets d'avion, adoptée par neuf pays à la suite de l'initiative française, n'a pas été une bonne nouvelle, du fait que c'était une amorce de taxation internationale.
De même la France, si la taxe de 3% sur les services numériques était finalement adoptée (elle l'a été en première lecture par l'Assemblée nationale), donnerait à nouveau un mauvais signal du fait de son extension internationale possible.
Enfin la Commission européenne a proposé récemment par la voix de son Commissaire à la fiscalité, Pierre Moscovici, que l'harmonisation fiscale soit adoptée non plus à l'unanimité, mais à la majorité qualifiée.
Or, quand il y a concurrence fiscale, les taxes baissent et, quand il y a harmonie fiscale, elles augmentent...
Christopher Butler n'est donc guère optimiste pour ce qui concerne l'avenir de nos libertés.
Pascal Salin
Conclusion
Il revient à Pascal Salin d'avoir le mot de la fin.
Après avoir dit combien le colloque a été riche en idées émises et débattues, il conclut que libertés et diversité vont de pair et qu'elles seules peuvent faire l'unité.
Francis Richard
PS
A l'occasion de cette réunion, l'ALEPS, Contribuables Associés et l'IREF donnent aux participants la primeur de leur manifeste Pour une Europe des libertés:
A la suite de ce manifeste, les auteurs reproduisent trois citations: une de Montesquieu, une de Benjamin Constant et une de Tocqueville.
Celle de Benjamin Constant commence ainsi:
C'est en sacrifiant tout à des idées exagérées d'uniformité que les grands États sont devenus un fléau pour l'humanité...