Pékin, cité impériale 5
Les bulldozers sont des éponges qui effacent les traces historiques. Les taches historiques. Méthodiquement. Une après l’autre. Un quartier après l’autre. Une révolution culturelle architecturale. A la place, des ensembles bien propres, bien carrés et ceints d’une clôture, des immeubles presque tous identiques, verticalement anonymes, avec à l’entrée un garde dans une guérite. Qui surveille qui et pourquoi ? Et récemment, ce sont les commerces qui s’étaient développés au pied des immeubles qui ont été fermés. Décision bureaucratique dont l’origine m’est inconnue. Tout est maintenant concentré dans des centres commerciaux. Aux antipodes de la tradition asiatique des petites boutiques de rue. Volonté de faire place nette ? De mieux contrôler tout commerce ? Cohérent avec la disparition quasi totale du règlement en pièces et billets. Tout passe par le smartphone et les applications de paiement en ligne. Idéal pour savoir tout ce qui est dépensé. Le rêve pour un pouvoir étatique centralisé. Marcher dans Pékin, c’est, sauf de rares exceptions, marcher dans une ville neuve. Comme si elle était née de rien, du néant. Une éruption de béton sans histoire, sans antécédents. Elle vient d’émerger. Froide, anonyme. La chaleur a quitté les rues et est enfermée dans des boîtes étanches et aseptisées. Les rues ne sont plus que des voies de circulation pour les vélos, les mobylettes et les voitures.
Les habitants se croisent sans se parler, ni dans les ascenseurs, ni dans les rues, ni dans le métro. Chacun dans sa boîte, dans sa bulle, face à son smartphone, "WeChattant" en continu.