Quand le silence des mots réveille la violence des maux (1)
Publié le 17 avril 2019 par Eric Acouphene
Revue Le chant de la licorne. No 26. 1989
Les maladies sont des langages symboliques avec lesquels nous allons tenter d’exprimer, parfois avec acharnement, avec désespoir… ou parfois avec plaisir ce que nous ne pouvons pas dire avec des mots, avec nos langages habituels, ce aussi à quoi nous n’avons pas directement accès et qui pourtant se crie en nous.
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Si la communication avec autrui (le fait de mettre en commun) est vitale pour chacun, la communication avec nous-mêmes reste essentielle. Il s’agira d’écouter les impacts, sur notre corps et sur notre imaginaire, de notre histoire récente ou passée. Les mots du silence sont aussi violents à l’égard de nous-mêmes qu’à l’égard d’autrui.
Quand on ne peut le dire avez des mots, on va le crier avec des maux
Cette affirmation préliminaire peut sembler un paradoxe et risque de blesser, de heurter et de m’aliéner à tout jamais le lecteur de cet article. Car celui qui est en souffrance pense surtout à se débarrasser de son mal, ce qui équivaut à le bâillonner, donc à ne pas l’entendre.
Nous allons tenter d’en dire plus et de témoigner de notre approche pour une meilleure communication, c’est-à-dire une communication vivante pour des relations en santé. Sur le plan des relations humaines, nous voyons aujourd’hui deux phénomènes apparemment opposés et certainement complémentaires.
– D’un côté une incommunicabilité de plus en plus grande entre les individus (je parle ici de la communication proche, intime, de la communication vitale et non de la communication de masse confondue avec une sur-information, avec une consommation de mots et d’images qui ne nous nourrit pas pour autant). Autour de cette incommunicabilité, de cette difficulté à se dire, à être entendu, à recevoir, il y a une immense souffrance, une infinie détresse assimilée à la négation ou à la dévalorisation de soi (ou de l’autre vécu comme mauvais, inaccessible ou barré) qui conduit à la solitude [1].
– De l’autre côté un intérêt, une recherche de plus en plus exigeante, individuelle, personnelle pour tenter de mieux se connaître, de mieux vivre, d’être un meilleur compagnon pour soi-même et par là même pour autrui. Et cette recherche me semble elle aussi essentielle et vitale car il y va de notre survie. En effet, nous avons peu de prise sur les phénomènes sociaux qui nous environnent (et nous conditionnent). Ce sont les multinationales qui prévoient (sans nous) notre alimentation de demain, nos modes de loisirs, nos habitats et nos éléments de vie. Notre pouvoir réel et personnel sur les options sociales est quasi nul, nous avons peu de maîtrise sur tous ces phénomènes qui nous échappent. Il nous reste un pouvoir potentiel possible, c’est sur nous-mêmes, sur la conduite de notre vie quotidienne et surtout sur ce qui en fait l’intérêt – nos relations proches.
La seule aventure humaine qui nous reste est celle des relations humaines, la découverte de nos possibles et de nos impossibles
C’est sur ce courant que nous souhaitons nous appuyer car notre santé physique s’y trouve liée. En effet, malgré les progrès étonnants, fabuleux de la médecine et de la chirurgie, nous constatons qu’il y a de plus en plus de gens, non pas malades, mais en difficulté, en souffrance physique et psychique (la surconsommation de médicaments est liée à la non-convivialité avec autrui et avec soi-même). La maladie ou la santé ne nous tombent pas dessus comme ça, au hasard.
Les bactéries, les bacilles, les virus ou les accidents, nous les recevons, nous les accueillons et très souvent nous les gardons en les entretenant avec beaucoup de soins! C’est bien notre corps, notre organisme qui les accueille, les entretient ou les rejette. Il serait même possible de dire que nous fabriquons nos affections (ah que ce mot est ambigu).
Nous allons tenter d’illustrer nos réflexions par quelques exemples vécus, recueillis et explorés dans les sessions de formation portant sur le développement et le changement personnel.
Il ne s’agit pas ici de faire ni de la provocation ni de tomber dans des généralisations abusives et donc aveugles mais bien de tenter de comprendre un ensemble de phénomènes dans lesquels nous sommes parties prenantes, non pas sur un mode volontaire mais plus sur un mode interactionnel.
Chacun d’entre nous peut avoir observé, repéré, écouté quelques-uns des phénomènes psychiques, quelques-uns des vécus décrits plus loin et qui se sont inscrits comme des stress, comme des portes ouvertes, comme des appels au soma. Disons-le simplement: les maux (qui deviennent parfois des maladies) sont des langages symboliques avec lesquels nous allons tenter de dire:
* Les conflits intrapersonnels et interpersonnels.
* Les situations inachevées (et en particulier le ressentiment lié à ces situations).
* Les séparations, pertes.
* Les messages anciens de fidélité ou de réparation, de soumission ou de conformité.
Les conflits intrapersonnels et interpersonnels
« Le téléphone sonne et une amie m’apprend que je suis invité à une soirée, qu’elle a même pris un engagement pour moi. Sur le moment je ne dis rien, je réponds des banalités et je raccroche. Dans l’heure qui suit, j’ai des réactions fébriles, ma gorge me fait mal, j’ai tous les symptômes d’une angine… »
Combien d’angines, de grippes ne sont-elles que « l’expression » mise en acte d’un refus qui n’a pu se dire, d’une expression personnelle qui n’a pu trouver son passage pour se faire entendre.
Cette femme a épousé un alpiniste émérite, voire téméraire, qui l’entraîne chaque été sur les plus hauts sommets alpins. Elle suit son mari, mais a une peur terrible de certaines ascensions et surtout, surtout voudrait faire entendre sa demande qui serait de rester… au chalet à lire… à rêver pendant que lui ascensionne. Chaque été elle produit un herpès qui lui mange la moitié de la lèvre… elle « profite » de ce dérangement pour refuser les relations sexuelles [2]. Le jour où elle a pu entrer en conflit ouvert, c’est-à-dire confronter ses besoins réels avec ceux de son mari… et prendre la décision de les respecter, l’herpès disparut totalement.
Michèle, dix-huit ans, vit chez ses parents et sort avec un ami qui est devenu son amant. Elle doit rentrer à minuit moins dix. À chacune de ses sorties, durant le temps de la rencontre, elle se sent malade. « Une barre là, sur le front, des crispations à l’estomac, des crampes dans le bas-ventre. Toute la soirée j’étais mal foutue, vraiment patraque. C’était devenu un fait acquis. Cela s’arrêtait net quand vers onze heure trente je proposais qu’il me ramène. Les dix dernières minutes se passaient bien. On n’a jamais fait l’amour que dans sa voiture, juste avant le retour ».
--------------> à suivre...