Les effets d’une carence sévère en iode au cours de la grossesse sur les fonctions intellectuelles de l’enfant sont bien connus. Mais qu’en est-il des carences limites en iode qui ne sont pas si rares que cela ?
C’est le but d’une étude réalisée auprès d’une cohorte anglaise « Southampton Women Survey » de 654 couples mère-enfant. Le statut iodé des futures mères a été estimé par un dosage urinaire. Ces prélèvements ont été en moyenne réalisés 3,3 ans avant la conception, ce qui peut paraitre un peu lointain. Cependant, selon les auteurs, les apports alimentaires des femmes testées est resté stable dans le temps jusqu’à leur grossesse.
L’intellect de leurs enfants a été testé entre les âges de 6 et 7 ans. Deux méthodes ont été utilisées, la mesure du QI (quotien intellectuel) selon l’échelle de Wechsler et les fonctions exécutives (raisonnement, apprentissage). Les résultats ont été interprétés en tenant compte de facteurs confondants possibles (intelligence maternelle, niveau d’éducation et durée de l’allaitement maternel).L’OMS décrit trois stades carentiels en iode selon le dosage de l’iode urinaire (iodurie). Rappelons que la norme est estimée devoir être entre 100 à 200 µg/l.
– léger (50 à 99 µg/l)
– modéré (20 à 49 µg/l)– sévère (moins de 20 µg/l)
Dans la cohorte britannique testée, un dosage d’iode des urines de 24 H a été retrouvé inférieur à 50 µg/l chez 18% des mères, mais chez simplement 9% de cette cohorte lorsqu’un dosage plus fiable était rapporté au taux urinaire de créatinine (évitant ainsi les erreurs de recueil urinaire).
Ce taux carentiel prénatal a été corrélé avec une baisse de 7,5 points de QI (quotient intellectuel), comparé à celui des enfants dont les taux urinaires maternels étaient > 150 µg. En revanche les fonctions exécutives n’étaient pas altérées. Ces données, corroborées par d’autres études récentes, suggèrent qu’un déficit en iode modéré, avant et durant la grossesse, pourrait altérer le développement neurologique futur des enfants à naitre.
Notons qu’en France, plusieurs enquêtes rapportent aussi des déficiences légères à modérées en iode chez les femmes enceintes. Malgré l’absence de recommandations officielles, certains experts préconisent donc une supplémentation alimentaire modérée en iode (au même titre que l’on recommande la prise d’acide folique). En effet certains perturbateurs endocriniens (PCB, dioxines, retardateurs de flamme, perfluorés), contenant des radicaux halogénés (chlore, brome ou fluor), sont susceptibles d’interférer dans la synthèse de l’hormone thyroïdienne en inhibant l’absorption par la thyroïde d’un autre produit halogène qui est l’iode.
L’ensemble de ces données appellent à la réflexion des pouvoirs publics sur l’optimisation du statut des populations en iode et à la vigilance des praticiens sur le statut en iode des femmes et futures mères. Les apports d’iode conseillés par l’OMS se situent entre 200 et 300 µg/j. Un apport complémentaire d’iode de l’ordre de 150 µg/j par du sel iodé (Attention le sel de mer comme le sel de Guérande n'est pas iodé) et/ou des comprimés Kelp (à base d’algues) est sans danger avant la grossesse et jusqu’à la fin du second trimestre.
Dominique LE HOUEZEC
Bibliographie :
J. Nutr. 2018; 148: 959-96