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Plus de la moitié (53%) des 30 pesticides recherchés dans les cheveux d'une vingtaine de riverains de vignes du Bordelais, ont été détectés et plus d'un quart a été quantifié (quantité suffisante pour être mesurée). Parmi eux, le diuron, herbicide interdit depuis 2008. La plupart sont classés cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR).
Ces analyses ont été menées par deux collectifs de citoyens du Bordelais, le Collectif Info Médoc pesticides (CIMP) et l'association Eva pour la vie (du nom d'une petite fille décédée d'un cancer). Elles ont porté sur des mèches de cheveux de dix riverains (5 femmes enceintes et 5 enfants) et dix ouvriers viticoles, vivant tous dans le Médoc*, afin de connaître leur contamination par les pesticides. Les cheveux sont un bon marqueur car ils révèlent des contaminations survenues sur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Les résultats ont été diffusés début avril (voir les résultats sur le site infomedocpesticides.fr).
Si l'on affine l'analyse par groupe, on s'aperçoit que les femmes enceintes sont contaminées par des pesticides cancérigènes (30% de ceux détectés), perturbateurs endocriniens (37%) et reprotoxiques (69%). Les collectifs rappellent qu'une expertise collective de l'Institut national de la santé et de recherche médicale (Inserm) publiée en juin 2013 établit un lien entre exposition foetale aux pesticides et malformations congénitales. Une étude américaine lie même cette exposition au risque d'autisme.
Dans les cheveux des cinq enfants, âgés de 3 à 15 ans, 30 pesticides ont été recherchés, 7 détectés et 2 quantifiés avec des effets cancérigènes possibles, perturbateurs endocriniens (PE) et reprotoxiques. Un enfant était contaminé par 4 pesticides reprotoxiques, 3 cancérigènes et 3 PE. Or l'exposition résidentielle aux pesticides favorise le développement de leucémies, tumeurs cérébrales, troubles neurodéveloppementaux chez les enfants selon l'inserm. Le nombre de cancers pédiatriques est d'ailleurs plus élevé dans les zones viticoles.
Des " taux hallucinants " chez les ouvriers viticoles
La situation est approximativement la même pour les ouvriers viticoles qui sont exposés aux pesticides en suspension dans les vignes, même s'ils n'effectuent pas de pulvérisations. A cette différence que les concentrations dans les cheveux sont plus élevées chez eux.
" Quatorze pesticides ont été détectés sur les 30 recherchés, dont 7 ont été quantifiés (fenhexamide, spiroxamine, zoxamide, mepanipyrim, dimetomorphe, pyrimethanil, boscalid) parfois à des taux hallucinants comme le boscalid à 587.7 pg/mg et le fenhexamide à 1214.8 pg/mg ! ", note l'étude. L'action du boscalid consiste à bloquer une enzyme et elle peut provoquer des encéphalopathies sévères et des tumeurs cancéreuses.
Les collectifs soulignent que les contrôles médicaux sont insuffisants chez ces travailleurs. L'Inserm a pourtant averti en 2013 que l'exposition professionnelle aux pesticides accroit les risques de développer lymphomes, tumeurs et problèmes de fertilité. La maladie de parkinson est également plus fréquente en agriculture. C'est d'ailleurs à la suite du développement d'une maladie de parkinson et d'une anémie de Biermer, qu'une ouvrière viticole, Sylvie Berger, a obtenu la condamnation d'un domaine bordelais - le Château Vernous à Lesparre-Médoc - en mars 2019 par le tribunal des Affaires de sécurité sociale de Bordeaux. Sylvie Berger a mis en cause la responsabilité de l'employeur pour manquement à ses obligations d'assurer la protection des travailleurs. Les collectifs espèrent que cette décision fera jurisprudence et qu'elle ouvrira la voie à une meilleure protection des ouvriers agricoles.
Anne-Françoise Roger
* Cette enquête regroupe des participants répartis sur 11 communes du Médoc (SaintSeurin de Cadourne, Lesparre, Saint Germain d'Esteuil, Saint Sauveur, Saint Laurent, Pauillac, Cussac, Lamarque, Moulis, Margaux, Listrac)