Bidart
Première escale das notre descente vers le sud, le long de cette sublime côte basque. Au cœur du village, des enfants en liberté jouant devant le fronton. Pas de barrières. Pas de grillages. Pas de harnais, ni de laisses. Ils jouent. Librement. Et c'est vivifiant. Aussi vivifiant que le vent qui nous pousse vers la côte. Du haut des falaises, nous dominons le monde. Mieux, nous nous fondons dans le paysage. Et pas de plus et c'est le plongeon. Pays basque, terre de liberté. Revendication intensément humaine, en témoigne le mémorial de la Seconde Guerre Mondiale et, avant tout, pour la paix. On passe des barreaux à une fenêtre béante sur l'horizon, sans entraves. On goûte le symbole, la correspondance intime avec le paysage. On se tait devant la grandeur de ces deux forces réunies : la liberté et l'océan, indomptables et indissociables jumeaux.
Guétary
Il pleuviote. Paraît que c'est une coutume basque que d'accueillir les visiteurs par une légère pulvérisation. On s'en fiche : rien ne nous arrête. Tout nous étonne. Nous sommes à Guétary. Plutôt que de se lamenter sous la pluie, de maudire les restaurants fermés, on profite du calme hors saison, des volets clos, du silence. Dans ce cocon aux couleurs de l'enfance, on pourrait se planquer, fuir le monde, s'isoler. Personne ne nous retrouverait jamais. On rit de cette idée, au chaud devant une galette basco-bretonne, sarrasin et piperade, face à la mairie dont le fronton dispute l'autorité. Guétary, dis, si la vie nous bousculait, tu nous recueillerais ?
Saint Jean de Luz
Là, c'est autre chose. C'est plus grand, plus ville. Qu'elle est belle, la baie ! Toute ronde, quasi fermée, à l'abri des tempêtes. Je me souviens d'une chanson apprise à l'école primaire et qui parlait de "Saint Jean de Luz en fête". Exotique, à l'époque, pour qui vivait dans un plat pays au centre de rien. C'était aussi la ville de Bixente Lizarazu, idole du football et ça sonnait bien. En vrai, Saint Jean de Luz, c'est un endroit magnifique. La côte tout en rond fait comme une perle sertie sur un collier de ruelles entremêlées et qui se rejoignent en places chaleureuses, convergent vers le joli petit port intérieur. Dans les rues piétonnes, pas de grandes enseignes, pas de marques internationales. Du particularisme, de l'inventivité, de la créativité, du local. Des vêtements ; du linge basque ; les inévitables espadrilles qui se déclinent en mille modèles, modernes, colorés ; des chocolats, artisanaux, superbes. Rien que de l'artisanal. Ce n'est pas du folklore, c'est juste du talent. Voilà, c'est cela : Saint Jean de Luz a du talent. Saint Jean de Luz est une belle femme qui sait se mettre en valeur.
Ciboure et Socoa
De l'autre côté du port, en face, il y a celui de Ciboure, patrie de Maurice Ravel. Typique, de carte postale, bordé de maisons à pans de bois colorés qui se font concurrence par leur coquetterie. Et puis, si l'on poursuit le long de la corniche, on arrive à Socoa et son fort bâti sous le règne de Louis XIII. Aujourd'hui, plus besoin de se protéger de l'ennemi. Le bâtiment, désaffecté, est en cours de rénovation. Passé de place forte tantôt convoitée par les Espagnols, tantôt par les Anglais ; à un site stratégique pendant la Seconde Guerre Mondiale dans lequel on a encore récemment retrouvé une bonne dizaine d'obus ; pour terminer sa course comme lieu d'accueil pour les activités sportives de voile de l'UCPA... le fort de Socoa est en train de se refaire une beauté afin de devenir un centre universitaire à la rentrée 2021. On se demande si, au fond, on ne devrait pas plutôt le laisser tranquille. Lui octroyer le droit de ne plus servir à rien, de mourir d'une belle mort, rongé par les vagues et les embruns. Et puis, la vue sur l'océan risquerait de mettre en péril la concentration des étudiants...
Hendaye
C'est là que se termine notre périple le long de la côte basque française. Avant de passer la frontière, nous voulons visiter Hendaye. Après les merveilles que nous venons de parcourir, nos jambes sont fourbues et nos regards aiguisés par tant de beautés deviennent critiques. Hendaye ne passe pas le test. Nous manquons le château, nous remettons de la déception que nous cause la morne visite du centre-ville en nous enfilant un gâteau basque à la crème, sur un banc, face à la pharmacie phosphorescente. Heureusement, il y a l'immense port. Les mâts des bateaux qui font gling gling sous l'effet du vent qui vient y jouer aux quilles sont une musique familière à nos oreilles. Les grands hôtels encore désertés sont une promesse d'animation estivale. Et puis, la plage est interminable. Du sable plein les baskets, heureux, nous marchons en terrain connu. Rassurés, nous déguerpissons sans demander notre reste.